Les fantômes rouges
Red Amnesia est un film magnifique sur la mémoire et l'oubli, sur l'oubli impossible et la mémoire qui taraude, sur la culpabilité qui peut aller jusqu'à précipiter et donner corps et vie à des...
le 31 mai 2016
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Red Amnesia est un film magnifique sur la mémoire et l'oubli, sur l'oubli impossible et la mémoire qui taraude, sur la culpabilité qui peut aller jusqu'à précipiter et donner corps et vie à des fantômes bien réels. Sur la culpabilité qui peut conduire une mère à adresser un reproche constant et informulé au fils pour lequel elle a trop sacrifié, sans que celui-ci le sache même.
Deng est une retraitée alerte, qui s'empêche de penser en menant une vie hyperactive, tout entière dévouée aux générations qui la précèdent et lui succèdent : sa très vieille mère, placée en institution, ses deux fils et son petit-fils. Des appels téléphoniques aussi mutiques qu'insistants, un jeune homme à casquette rouge croisé de manière répétée dans la rue, certaines approches plus ou moins violentes et intrusives vont la contraindre à se retourner sur un passé qu'elle tenait auparavant dans l'amnésie la plus obstruée. Elle ne va alors plus cesser de se retourner, physiquement et mentalement, dans la rue, où elle se sent suivie, et sur ses années de l'époque Mao, les années rouges, au cours desquelles, pour préserver le sort de sa famille, elle ne s'est peut-être pas toujours conduite de manière irréprochable.
Le passé se recompose ainsi progressivement dans son dos, le film accompagnant très subtilement le double mouvement de l'intrigue, en nous rendant témoins de la traque dont la vieille dame fait l'objet, en même temps qu'il nous conduit à suivre ses propres tentatives pour réassembler le puzzle de son passé, redonner voix aux non-dits, faire parler une mort récemment apprise...
L'action, peinte dans des teintes froides qui semblent peiner à revenir à la vie, est soutenue par une musique très présente, tout en tension, tantôt discrète et discordante, lorsque la mémoire est inquiète et encore prise dans les glaces de l'amnésie, tantôt plus affirmée, soit dans des mélodies chinoises jouées sur des instruments à cordes, soit dans d'étranges chœurs intradiégétiques, qui interprètent en chinois des mélodies russes, souvenirs du passé communiste de la Chine.
Malgré les dévoilements qui s'effectueront à la faveur de la progression de l'intrigue, le film conserve une part d'ombre et le spectateur ne sera pas certain, à terme, que tout a été dit, que toutes les amnésies auront été levées. Resteront à l'état de questions la dissemblance entre les deux fils, l'émotion de Deng face à la réactivation de son passé, sa fidélité peut-être trop affichée au fantôme de son mari... Avec une subtilité très chinoise, il est possible que le réalisateur, le talentueux Wang Xiaoshuai, ait choisi de préserver certains des secrets et de les laisser plongés dans une "amnésie rouge"...
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Créée
le 31 mai 2016
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