Flirter avec les limites

Sur le papier, et à l'ère post-metoo, lire un pitch dans lequel un quarantenaire ex-star du porno jette son dévolu sur une fille d'à peine 18 ans, couche avec, puis imagine en faire une future pornstar, c'est plus que malaisant.
On est sur un fil mais Sean Baker réussit à tenir ce numéro d'équilibriste jusqu'au bout. Il flirte avec les limites comme son héros avec la morale et légalité. On pourrait vite basculer dans le glauque ou le sordide, mais pourtant, le film arrive à garder la tête hors de l'eau.

Il faut dire que l'écriture des personnages y est pour beaucoup: d'un côté, Simon Rex - alias Mickey Saber, qui oscille entre l'exécrable - égoïste, égocentré, menteur, profiteur...- et le charmant. Interprétation parfaite, on s'attacherait presque à ce type, loin de l'image prédatrice qu'on imagine chez les «suitcase pimp» (proxénète de plateau, tel qu'il se définit lui-même).
De l'autre côté, Suzanna Son -alias Strawberry- qui appuie au maximum le côté enfantin de son personnage sans n'être jamais victime de la situation, et en étant même plutôt entreprenante.
Suivent une galerie de white trashs, dont beaucoup sont tenus par des amateurs, tous singuliers, tous victimes de Mickey, croqués avec suffisamment d'empathie pour qu'enfle notre ressentiment, avec eux, envers lui.
Et en toile de fond, un Texas désargenté et désoeuvré, laid et pelé, dans lequel la boutique de donuts où bosse Strawberry semble le seul havre de paix sur des kilomètres à la ronde.
Tout est speed dans ce film : on roule vite, on parle vite, on s'attache vite, on baise vite, et tout bascule aussi rapidement qu'un coup de volant. Cela participe à sa singularité. Alors Red rocket n'est surement pas le film de l'année mais il vaut clairement pour sa capacité à flirter avec l'amoralité sans jamais y basculer.