Porn to be alive
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Quand Siffredi rencontre Katsuni, même si Harry et Sally ne sont jamais bien loins… C’est une réflexion sur l’amour et le néant que nous propose ce petit ovni cinématographique (oui, « on l’appelle l’ovni »). Cette jolie romance érotique et colorée est revigorante en ce début d’année, source de promesses et d’aventures pour nos personnages.
Mikey, une ancienne star du porno, revient sur sa terre natale et vit aux crochets de son ex-femme. Il souhaite obtenir de l’argent et redynamiser sa carrière. Pour cela, il se laissera porter au gré de ses envies et de ses rencontres, sans planification particulière. Cette spontanéité enfantine et rafraîchissante matchera avec le caractère de la douce et magnétique Strawberry, jeune adolescente candide et désinhibée. Nos deux personnages à la sexualité débridée nous embarquent alors dans leur aventure pleine d’espoir où l’amour triomphera, brisant ainsi l’ambiance morose de cette ville figée et hors-du-temps, propice à la vacuité de l’existence.
En effet, le dynamisme de ce couple tapageur vient rompre avec la monotonie ambiante de la ville, où les personnages secondaires ne luttent plus pour trouver un sens à leur vie mais plutôt pour essayer de s’en sortir. Ces personnages en perdition, filmés sur un paysage urbain coloré, ne sont pas sans rappeler les ambiances des films d’Harmony Korine :
Pour le fond, on pensera immédiatement au majestueux « Gummo » et sa volonté de filmer une Amérique désoeuvrée, les laissés-pour-compte. On leur donne enfin le droit à la parole, et ce sans jugement aucun. Les parias deviennent rois et monopolisent l’écran : la jeunesse errante dans « Gummo » et Lexi et sa famille dans « Red Rocket ».
Pour la forme, on se souviendra de l’expérience visuelle dans « The Beach Bum » et sa magnifique palette de couleurs qui saturent l’écran du début à la fin. Cet univers psychédélique vient accentuer le discours d’espoir et d’élan qui anticipe un avenir prometteur pour nos personnages : commencer une deuxième vie colorée, onirique et débridée.
Au vu de la différence d’âge certaine entre nos concubins, le réalisateur aurait pu proposer un discours manichéen, où le « vilain » Mikey, aka Sugar Daddy(X) en devenir, utilise la jeune et jolie Strawberry, petite lolita « innocente », pour refaire carrière. Mais c’est justement une réflexion osée et nuancée sur le couple qui nous est ici proposée. Une première lecture du film viserait à condamner Mikey pour son attitude sulfureuse, tout sauf « éthique et responsable », qui manipule notre adolescente. Cependant, on comprend progressivement que Mikey tombe sincèrement amoureux de Strawberry et cet amour semble réciproque. Le spectateur est tiraillé entre le Mikey un brin odieux et manipulateur, et le Mickey drôle et touchant. Cet être imparfait finit par aspirer la sympathie et l’attendrissement chez le spectateur.
D’autre part, la figure féminine et sensuelle, Strawberry, devient source de promesses et de fantasmes pour notre anti-héros. [alert spoiler à suivre]
Ici vous pouvez spoiler
La scène finale vient sacraliser cette idée de fantasme : Strawberry est-elle véritablement devant la porte de sa maison, accueillant un Mikey rejeté de chez lui quelques heures plus tôt, en train de danser la vie et prête à fêter l’amour naissant ? Ou est-ce un rêve éveillé, fantasmé par Mikey, n’existant que dans son imaginaire ?... Le spectateur restera sans réponse tranchée afin de se faire sa propre idée, et c’est ici que réside la recette parfaite d'un bon film (en toute subjectivité) : nuancé, sensuel et poétique.
Créée
le 23 févr. 2022
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