Attention, Red Spell Spells Red est un assaut hypnotique non seulement contre les sens, mais aussi contre le bon goût. C’est ainsi qu’est décrit cette seule et unique réalisation de Titus Ho, producteur d’une 50aine de films HK de seconde voire troisième zone entre 1999 et 2005, obscur proto-Cat III de Hong Kong que l’éditeur américain Error 4444 a osé déterrer et restaurer afin de le sortir en blu-ray. Deuxième et dernier des deux films de la Nikko International Productions après Centipede Horror (1982), Red Spell Spells Red fait partie de ce genre de films qui, à l’instar de Cannibal Holocaust sorti trois ans plus tôt, a de quoi retourner les estomacs les plus fragiles, pas forcément à cause du film en lui-même qui durant 91 de ses 94 minutes est un Cat III de sorcellerie plutôt rigolo, mais qui va également proposer pendant les 3 autres minutes des scènes de cruauté, voire de barbarie, envers les animaux qui sont sincèrement plus que douteuses. Mais ça, on y reviendra plus tard.
En 1975, sous la houlette de la Shaw Brothers, Ho Meng-Hua sort Black Magic et popularise les films de sorcellerie à Hong Kong. Bien que les débuts soient timides, les films du genre se font de plus en plus nombreux au début des années 80, sans doute grâce au succès, dans un tout autre genre mais malgré tout avec de la magie noire, de L’Exorciste Chinois de Sammo Hung. Hex, The Boxer’s Omen, Corpse Mania, Bewitched et bien d’autres inondent les écrans de Hong Kong. Dans la masse, on retrouve le petit film fauché qui nous intéresse aujourd’hui, Red Spell Spells Red, qui s’inspire fortement des films d’horreur aussi bien asiatiques que occidentaux. Cannibal Holocaust, Evil Dead, La Malédiction, L’Exorciste Chinois, Mystics in Bali, The Boxere’s Omen, Black MAgic With Buddha, les références sont nombreuses et le réalisateur Titus Ho semble vouloir rendre hommage à tout un pan du cinéma qu’il apprécie, même si son film ressemble parfois un peu trop à quelque chose de bricolé à partir de bouts de plusieurs films. En effet, l’intrigue est parfois u peu confuse car on a l’impression que deux films ont été combinés, comme s’ils avaient commencé un film, qu’une nouvelle idée leur était venue, puis qu’ils avaient essayé de raccrocher les wagons pour le final, nous balançant pour l’occasion des informations qu’il était impossible de deviner jusque-là. Et puis il y a des gros trous dans le scénario, comme cette statuette en or importante, mais dont on ignore d’où elle sort. Passée la scène d’intro, le film prend son temps à vraiment démarrer. Il plante son décor, nous fait faire connaissances avec les personnages, comme pour nous mettre en confiance avant de balancer la purée dans sa deuxième partie. Malgré un budget riquiqui et son casting quasi inconnu à l’exception de Kent Tong qu’on a déjà vu dans de nombreux seconds rôles et un petit rôle de Stanley Tong, pas encore réalisateur roi du box-office, Titus Ho arrive à créer une ambiance très particulière, assez surréelle, versant dans le macabre dès que ça en a l’occasion, un peu comme certains films d’horreur italiens de la fin des années 70 / début 80, avec un film qui est clairement destiné à choquer et à dégoûter tout spectateur qui se trouve sur son chemin.
Red Spell Spells Red doit être salué pour son originalité et sa tentative de mélanger des éléments de cultures et traditions différentes. Il y a des idées assez dingues dans la mise en scène, essentiellement lorsque les évènements surnaturels commencent à arriver, avec un découpage assez frénétique mais qui reste lisible. Le film se fait souvent imprévisible et c’est ce qui nous tient essentiellement en haleine car le réalisateur a de très bonnes compétences en matière d’intensité et d’images parfois bien dégueux et il les utilise très bien ici. Sang d’oiseau qui se met à bouillir, végétation qui prend vie, corps qui sont valdingués dans les airs comme de vulgaires feuilles de papier, les choses étranges commencent à arriver sporadiquement puis vont se faire plus fréquentes. Le scénario plante son décor chez les Ibans, descendants de tribus de guerriers très redoutés de l’île de Borneo, et Red Spell Spells Red a parfois des allures de documentaire. Bien qu’ils soient aujourd’hui rentrés dans l’ère moderne, leurs fameuses maisons longues étant tout équipé, le film nous décrit des tribus encore relativement reculées, très à cheval sur les anciennes traditions souvent à base de sacrifices. Et c’est là que la grosse problématique du film arrive, avec des scènes extrêmement limites, comme celle où on voit des sangliers vivants se faire égorger, éventrer, lors d’une cérémonie où cela semble être la coutume. Ou encore ce passage où un sorcier possédé se met à dévorer une poule vivante en temps réel, sans aucun trucage, aspirant ses viscères comme de vulgaires nouilles, la démembrant pour manger sa viande crue alors que l’animal est encore conscient. Sans parler des scorpions écrasés à coups de cailloux. Coutume ou pas, c’est juste extrêmement malaisant à l’écran, voire difficile à regarder. Habituellement, j’adore les délires gores, les bizarreries, les bisseries, mais quand on tombe dans les actes de barbarie et de cruauté sur les animaux, c’est bien plus compliqué. La rumeur veut que les animaux en question ont servi pour nourrir la population locale, mais qu’importe, il n’y a pas besoin de montrer leur mort à l’écran. Un autre film de la même époque avait le même problème, Centipede Horror (1982), produit par qui ? Ben par les mêmes gens pardi ! Et c’est dommage car les scènes gores traditionnelles, bien qu’un peu kitch parfois, sont des plus sympathiques. Une chose est sûre, c’est que le tournage de certaines scènes a dû être extrêmement éprouvant pour certains acteurs.
Dans sa version amputée de 3 minutes, Red Spell Spells Red est un Cat III de magie noire plutôt rigolo et même assez bien fichu. Mais dans sa version intégrale, avec ses 3 minutes de scènes de barbarie sur animaux, le spectacle devient très désagréable.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-red-spell-spells-red-de-titus-ho-1983/