J'ai toujours du mal à trouver les mots pour qualifier un film de De Palma. L'homme a un style bourré de paradoxes : à la fois modeste et maniéré, à la recherche d'authenticité, mais sans cesse parasité par l'héritage hollywoodien dans lequel il veut s'inscrire. Auteur et parfois racolleur.

C'est pour ça que je l'aime tant, même si aucun de ses films n'est parfait : De Palma, c'est l'homme qui met les pieds dans le plat. Et Dieu sait qu'ici, il a bien sauté à pied joint en plein milieu.

A l'intérieur du camp retranché des GI, à Samarra. Ambiance claustrophobique. une image de qualité numérique (déjà vieillotte) nous montre un soldat, Salazar, faisant une vidéo-selfie où il explique qu'il va tout enregistrer au nom de la vérité, dans l'espoir de faire des études de cinéma ensuite. Ses potes se moquent de lui. Il y a le caporal McCoy, marié et fils d'officier. Il y a Blix, un intello dur à cerner. Il y a Sweet, un black avec des accents de prêcheur, obsédé par la sécurité. Il y a enfin deux rednecks, le gros Rush et le nerveux Flake.

S'intercale ensuite une sorte de documentaire en français sur la tension des GI à un barrage routier : chaque bagnole, chaque passant peut transporter une bombe. C'est bien croqué et ça m'a rappelé une BD de Joe Sacco. Il y a du kitsch volontaire, avec une approche très pédagogique et la musique de Barry Lindon.

Puis l'incident fondateur : Sweet saute sur une mine. La troupe fouille des maisons alentour, dont une avec une gamine de 15 ans. Flake, Rush et Salazar, encore bouleversés par la mort de Sweet, décident de retourner dans cette famille pour sauter la gamine. Trouvant une arme chez eux, Rush tue tout le monde et menace son supérieur immédiat, McCoy, d'une arme. Ce dernier, hébété, ne fait rien. Salazar se sent écoeuré, et meurt peu après car il est enlevé par des Irakiens en représailles.

Le film se clôt sur des interviews des accusés par les affaires internes, car McCoy a fini par balancer. Dégoûté, il revient chez lui. Au milieu de ses amis, qui filment son retour, il ne peut s'empêcher de raconter l'affaire.

Beau film sur l'utilisation des images : le spectateur-charognard, les indignés qui pensent agir en filmant leur indignation, l'aspect multiple des images. Vidéo embedded, document personnel, caméra de surveillance, mise en scène macabre, partage assez obscène de ses propres sentiments : le statut des images est multiple. Les transitions entre les vidéos ont quelque chose d'aléatoire, de non-satisfaisant, comme un cache-misère.

Mais aucune de ces images ne sont brutes, mises à part celles du viol, insoutenables, et qu'on a pu confondre à bon droit avec une vraie vidéo personnelle : la plupart des images, sinon, sont "redacted", éditées avant publication. Ce n'est jamais vraiment soi que l'on montre. Sauf quand on est un artiste comme De Palma.

Si les dialogues, comme souvent chez De Palma, ont un côté maniéré qui pourrait agacer par son côté facile et conventionnel, par je ne sais quel miracle, le but est atteint : ce film est à la fois un des rares films sur la guerre en Irak (et fut un beau flop), une réflexion sur le pouvoir de l'image et l'usage qui en est fait, une tentative audacieuse de passer au numérique (déjà le fantasme des Google Glasses, en quelque sorte), et une dénonciation de l'absurdité de la guerre, de la situation d'enfermement qu'elle crée chez ses belligérants.

On termine par un diaporama choquant d'images réelles de la guerre en Irak, avec simplement les visages caviardés. Glaçant.
zardoz6704
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le 22 janv. 2014

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