Ça commence comme un projet original, Chiwetel Ejiofor en gérant d'un dojo où il enseigne le jiu-jitsu, avec un soin particulier apporté à la description de nombreux aspects pragmatiques dans la gestion de la salle — au travers notamment des aspects financiers rappelés par le personnage de sa femme (Alice Braga). Mélange des genres étonnant, on pense spontanément au registre du film d'art martiaux mais en réalité il ne sera jamais pleinement investi au profit d'un autre style, qui rappelle beaucoup celui adopté par Jim Jarmusch dans "Ghost Dog: The Way of the Samurai". En ce sens Ejiofor et un cousin éloigné de Forest Whitaker, avec le personnage duquel il partage la même ligne de conduite morale faite de simplicité et d'intégrité, comme guidé par un code du bushido mis à jour selon des critères contemporains. On n'est pas du tout dans un prolongement du cinéma de Kurosawa (ce qu'aurait affirmé Mamet), mais il y a malgré tout quelque chose de la figure du samouraï qui flotte dans l'air.


Sur ce canevas se greffe un scénario à la Schrader des bons jours, c'est-à-dire une écriture soignée qui ne chercher pas l'esbrouffe et se plaît à travailler une ambiance, des détails, un univers original. Les personnages secondaires sont crédibles, ils ont une existence à part entière et ne servent pas uniquement de faire-valoir pour éprouver la conduite du protagoniste : sur ce plan-là "Redbelt" est réussi et aurait pu constituer un film très sympa s'il s'était tenu à ce programme. Le souci arrive vers la moitié, lorsqu’un excès de confiance conduit le scénario à multiplier les séquences un peu trop hardies, avec empilement de coïncidences et d'invraisemblances qui pousse un peu trop loin la demande de suspension consentie d'incrédulité. Le flic à qui il donne la montre en or qu'on lui avait lui-même donnée, qui se trouve volée, et qui le met dans la mouise car lui aussi au lieu de la garder l'a placée chez un prêteur sur gage qui s'est révélé fin limier avant d'alerter la police, l'avocate qui passe par-là et qui déclenche une réaction en chaîne à base d'accident de voiture + tir involontaire au pistolet + crise nerveuse + passif d'agression sexuelle avant de défendre opportunément le propriétaire du dojo face à des crapules mafieuses, etc. C'est bien trop chargé pour ne pas s'effondrer sous son propre poids.


Et puis tout file vers le dilemme moral censé consacrer le climax final du film, autour d'un ring et selon des règles originales, mais là Mamet pète une durite et enchaîne les segments improbables de manière rédhibitoire. Tout ça pour illustrer la maxime du film, "There is no situation from which you cannot escape". Bon mais en échange, il y a Ricky Jay et Randy Couture dans les seconds rôles, et j'ai appris que la ceinture rouge vient après la ceinture noire.

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le 28 juil. 2024

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