Le procédé qui sert de base au scénario du film est on ne peut plus classique : organiser la confrontation entre un scientifique sceptique et des événements apparemment surnaturels. Il s'agit ici d'une mort parfaitement banale. Certains y voient l'influence d'une sorte de sorcier sataniste, Julian Karswell. Le scientifique, Holden, a un objectif précis : démonter tout ce qu'il considère comme des superstitions.
Le spectateur en sait plus que lui. Il a assisté à la mort de Harrington. Il a vu un immense démon venir le chercher dans un nuage de fumée qu'on imagine méphitique. Et c'est là le grand défaut du film et la grande faute de Tourneur. Mais pourquoi diable nous a-t-il montré ce démon ! Lui, Jacques Tourneur, grand spécialiste d'un fantastique où l'angoisse se basait sur un art subtil de la suggestion ! Qu'est devenu le réalisateur de La Féline ? [En fait, Tourneur n'a pas eu le choix : les scènes ont été rajoutées par les producteurs, contre l'avis du cinéaste*]

Jacques Tourneur, cinéaste français, fils du réalisateur Maurice Tourneur, s'était en effet taillé une belle réputation dans les années 40 en collaborant avec le producteur Val Lewton sur des films fantastiques où on ne voyait rien. Maître de la création d'une ambiance angoissante à l'aide d'un jeu d'ombres et de lumières et de phénomènes qui restent inexpliqués, il permettait aux studios de faire des économies sur les trucages.
Oui, mais voilà : au début du film, il nous montre ce démon, et ça casse tout. D'autant plus que le diablotin est mal foutu. Il ressemble un peu aux dragons du nouvel an chinois, mais en noir et blanc, avec plein de fumée autour et une musique qui se veut angoissante. Quel gâchis !

Surtout que, dans le reste du film, on retrouve un peu ce qu'était le grand Tourneur. Le conflit entre le rationalisme de Holden et les croyances des autres personnages est assez bien mené. Karswell est un personnage plutôt ambigu et bien fichu. Les acteurs sont tous très bons, Dana Andrews en tête.
Et puis, il y a ce découpage du film en deux parties. Et c'est une très bonne idée, parce que le simple conflit idéologique n'aurait pas suffit à remplir le film (pourtant très court). Mais voilà : Holden est victime d'une sorte de maléfice. Il ne lui reste que deux semaines à vivre. Ce compte à rebours occupe la seconde moitié du film et permet à l'oeuvre de trouver un second souffle.
Cependant, il faut bien admettre que la faute initiale gâche entièrement le plaisir que l'on aurait pu éprouver. Tourneur n'était plus le grand réalisateur de films fantastiques (place désormais occupée par Robert Wise, qui avait déjà signé quelques bijoux du genre et sortirait,quelques années plus tard, sa fameuse Maison du Diable, une référence pour moi). Sa carrière, d'ailleurs, était presque finie.

*merci @Bukky pour ces précisions
SanFelice
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le 9 nov. 2012

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