Paul, écrivain, débarque à Lisbonne et attend quelqu’un sur les quais du Tage. Il a rendez-vous à douze heures dit-il. Le marchand de journaux, auquel il achète La Bola, lui dira que peut-être il a mal compris, que son rendez-vous se tient à minuit et non à midi.
Cette rencontre manquée marque le début d’une longue errance dans un Lisbonne fantomatique, « le dimanche le plus chaud de l’année » ou notre homme arpentera cette ville dans laquelle jadis il a vécu, et y fera tout un tas de rencontres : Un jeune drogué à qui il offrira un peu d’argent pour sa dose ; un taxi qui lui trouve un endroit où il pourra s’acheter une chemise propre ; Un vendeur de billets de loterie qui lui parle du Livre de l’intranquillité ; Une patronne de pension qui lui offre un toit pour se reposer ; Le gardien de l’Alentejo qui l’invite à faire une partie de billard et lui offre un vieux Porto s’il est capable de réussir un coup impossible.
Un peu plus tôt il croise un vieil ami avec qui il discute de la recette du sarrabulho mais aussi de la femme qu’ils ont tous deux aimée et qui aurait mis fin à ce jour après s’être fait avorter. Car ce voyage guidé mène surtout Paul vers des fantômes. Revoir son meilleur ami, donc, mort d’un herpès. Tomber en 1931 et y croiser son père en marin, rattrapé plus tard par le cancer. Revoir aussi sa compagne qui s’est suicidé. Pour la revoir et se permettre de danser une dernière fois avec elle, il lui fallait faire un pari mental. Quoi de plus logique, dans cette journée suspendue entre le rêve et la réalité, que de miser sur une hallucination ? D’autant qu’à ce point de parcours, cette apparition, nous, spectateurs, la rêvons autant que lui.
Mais croiser le passé invite aussi quelque chose de plus physique : On traverse des ruines, on arpente des vieilles ruelles, des palais anciens. Le passé, l’Histoire. A la toute fin, notre homme croise enfin celui qu’il venait voir. C’est le fantôme du poète Fernando Pessoa. Mais ça pourrait tout aussi bien être Antonio Tabucchi, passeur de l’œuvre de Pessoa et auteur de Requiem, dont le film de Tanner est l’adaptation libre.
C’est un film sur la mort, mais c’est paradoxalement un film très doux. Un film de fantômes dans la lumière. Un film qui crie l’amour pour Lisbonne et Pessoa. C’est très beau.