Va, vois, deviens.
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REQUIEM POUR UN MASSACRE (Elem Klimov, U.R.S.S, 1985, 140min) :
«Tuer Hitler !» L’appel raisonne comme un ordre en plein cœur. Mais le titre est proscrit. Ce bannissement de l’évocation du Satan oblige le réalisateur à trouver une autre voie. Par l’intermédiaire de son frère Guerman, inspiré par l’Evangile et les évocations de Saint Jean de l’Apocalypse, s’impose «Va et Regarde». Comme un conseil bienveillant adressé à ce garçon de treize ans, jeune héros à l’innocence sacrifiée, mis en bobines pour évoquer les massacres de 1943, en Bielorussie, commandités par le troisième Reich. Elem Klimov confesse : «J’ai le devoir de tourner cette histoire-là».
Piochant dans ces propres souvenirs, il entraîne le spectateur dans une descente aux enfers, long métrage terrifiant, foisonnant, innovant pour ce qui concerne la représentation de la guerre. Pratiquement aucun affrontement direct entre belligérants à se mettre sous la caméra. Pourtant, l’horreur est omniprésente. Le metteur en scène filme à hauteur d’enfant, suivant l’errance de l’adolescent en steadicam (caméra stable portative fixée à la taille) pour favoriser de lents travellings. Une profondeur de champ rend l’action inéluctable. Elem Klimov accentue les gros plans sur les visages, la plupart du temps sur la bouille d’Aliocha Kravtchenko, jeune acteur débutant sélectionné pour ce rôle particulièrement éprouvant. Il nous regarde, nous prend à témoin, et se fige au fil du récit pour n’être plus qu’un rictus d’effroi. Des psychologues suivent le tournage ; un hypnotiseur est engagé pour s’occuper particulièrement du jeune amateur, lui créant des systèmes de défenses. «Encore un peu et je devenais fou», concèdera plus tard Aliocha Kravtchenko. L’influence du film Le Cuirassé Potemkine (Eisenstein, 1925), de L’enfance d'Ivan (Tarkovski, 1962) et de Croix de fer (Peckinpah, 1977) traverse ce long métrage. La puissance de l’horreur est accentuée à l’aide de plans hors champ, de scènes poétiques, surréalistes, cruelles, en plus d’une bande son cauchemardesque et abasourdie par l’ignominie dévoilée. Mais quelques fragments du Requiem de Mozart viennent au secours des âmes disloquées. «Il y a deux Autrichiens dans le film, Mozart et Hitler !» ironise Klimov.
Cette évocation sans complaisance d’un pan d’histoire bielorusse (628 villages brûlés avec tous leurs habitants, par les Nazis), sans héros ni patriotisme montre l’indicible comme jamais aucune œuvre auparavant. «Si je tourne cela sérieusement, et j’en ai l’intention, personne ne voudra voir le film», s’inquiétait Elem Klimov, au cours du tournage. Succès critique et public récompenseront cette exigence. En plongeant dans les racines du mal, le cinéaste offre une expérience visuelle nihiliste, macabre et salutaire. La maestria et le réalisme documentaire sidérant de Requiem pour un massacre (titre choisi pour l’exploitation en DVD) trouvent écho dans les récents Le Fils de Saul de Laszlo Nemes (2015) et The Revenant d’Alejandro Gonzalez Inarritu (2016). Une œuvre remarquable, un véritable choc macabre et salutaire. Un hallucinant chef-d'œuvre inoubliable dont personne ne sort indemne !
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Créée
le 22 sept. 2016
Modifiée
le 5 oct. 2024
Critique lue 257 fois
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