Come and see ? Tu parles !
La traduction anglaise du titre russe est "come and see", ce qui est, vous en conviendrez, beaucoup plus sobre et percutant que la version française, plus convenue.
Et ce coté plus "brut" est bien plus fidèle a ce qu'est réellement le film. Car il est effectivement percutant, ce "come and see" !
Au delà même de son sujet, qui doit se suffire en lui-même s'il est bien traité (la guerre), c'est le traitement visuel et sonore dont bénéficie le film qui en constitue l'identité.
Et c'est cette signature, ce style, qui rendent cette oeuvre si unique et si puissante.
Visuellement, cette marque de fabrique se caractérise par quelques éléments distinctifs. L'usage d'un format quatre-tiers, devenu bien rare depuis la mort du grand Stanley (K). Cette façon dont les protagonistes fixent l'objectif pour voir (bien) au delà de nous, à travers notre propre regard, pour nous rendre transparents peu à peu, face à la terrible force qui nous submerge, en faisant tomber nos défenses, une à une.
L'ambiance sonore est elle aussi un facteur différenciant fort. Ce sont de longues notes gutûrales qui baignent plusieurs scènes, leur conférant une atmosphère inattendue et parfois hypnotique.
Mais ces quelques points de style seraient bien réducteurs pour rendre justice à ce film rare. Car si "Requiem pour un massacre" est à la fois étrange et puissant, c'est bien par le côté insolite de nombreuses séquences. De ces plans dont on se demande s'ils ont été truqués. Et la réponse étant la plupart du temps bien évidemment non, de se dire: quelles performances d'acteurs ! Quelle patience de la part du réalisateur ! Quelle force visuelle !
De nombreuses trouvailles resteront ainsi longtemps fixées dans nos rétines pourtant par ailleurs passablement saturées. Comme cette cigogne surgissant de la foret, comme ce village natal quitté en courant sur une note plutôt banale avant que la jeune compagne de notre héros ne se retourne dans sa course... ou encore comme ces poursuites de véhicules allemands à travers un brouillard épais...
Ce ne sont là que quelques exemples et il y en a bien d'autres (la sculpture d'Hitler ? Les balles traçantes dans la nuit ? Etc etc...) et le final n'en est finalement qu'encore plus fort, en ce qu'il a de descriptif et réaliste de ce que les nazis ont pu pratiquer, méthodiquement, en Biélorussie dans les années 43 et 44.
Il y a du Herzog dans ce film (et n'ayant pas vu les bonus de ce film ni lu quoi que ce soit au sujet du réalisateur, je ne sais pas si le monsieur était fan), film insolite, puissant, inoubliable... En un mot indispensable.