Quatrième long métrage de Jean Rollin, Requiem pour un vampire, fut considéré par le réalisateur français de son vivant comme l'un de ses préférés, à l'instar de ses Lèvres de sang mis en scène quatre ans plus tard. Non sans raison. Dernier volet momentané de sa série vampirique, ce film connu également sous le patronyme, Vierges et vampires, peut être vu comme la première synthèse du cinéma Rollinien. Non content de rassembler ici la majeure partie de ses thématiques, les éléments les plus souvent raillés, narration confuse et amateurisme ambiant, sont cette fois-ci sinon inhibés, du moins suffisamment limités pour ne pas réduire la portée onirique souhaitée par le cinéaste. Dont acte.
Deux jeunes femmes, Marie (Marie-Pierre Castel) et Michelle (Mireille Dargent), grimées et habillées en clown s'échappent en voiture avec leur complice. Le trio est poursuivi à travers les routes de campagne. Mais le conducteur est finalement abattu par ces mystérieux assaillants. Après avoir fait brûler le cadavre dans l'automobile, et quittées leur maquillage et costumes, les filles trouvent, à l'endroit indiqué par l'homme sa moto à l'abri dans un château d'eau. A court d'essence, elles se cachent momentanément dans un cimetière, avant découvrir le soir venu les ruines d'un château d'apparence abandonné...
Écrit en une seule nuit, Requiem pour un vampire est sans conteste un des films de son auteur les plus épurés, mais également un de ses plus aboutis. Ébauche du rêve éveillé que sera son prochain long métrage, La rose de fer, Jean Rollin se détourne d'une certaine manière de ses anciens films de vampire, et gomme certains aspects contestables ou pompeux. Économe en dialogues, quasiment muet, Requiem surprend par son parti pris. Mieux, Jean Rollin signe avec le dernier volet de sa tétralogie un récit étonnamment désenchanté, où le vampire (Michel Delesalle) est devenu un être las et usé, dernier représentant d'une espèce condamné à disparaître, accompagné d'un petit groupe de serviteurs proche de la dégénérescence et de ses deux apprenties Erica (Dominique) et sa sœur Louise (Louise Dhour).
Photographié par le débutant Renan Pollès et mis en musique pour la première fois par Pierre Raph, Requiem pour un vampire est également un film aux qualités esthétiques non feintes. Pollès cadre avec beaucoup de soin les personnages animés ou non du récit, des deux jeunes interprètes au château, autre figure centrale de l'histoire. Son utilisation de la lumière et des couleurs, inspirée par celle de ses confrères italiens à la même époque, apporte une aura surréelle en décalage avec les clichés gothiques d'usage et présents (ruine, donjon, cimetière, chauve-souris, etc.). Raph, quant à lui, compose, en parfait accord avec son partenaire d'image, une bande originale atypique, en tout point différente du précédent score à consonance rock psychédélique d'Acanthus pour Le frisson des vampires.
Le film n'est cependant pas exempt de défauts. Et le rythme indolent typiquement Rollinien ou le scénario peu étoffé n'y sont pour rien ou peu. Au contraire, ces derniers sont maîtrisés, à la différence de son expertise en zoologie. Néanmoins, on lui excusera la présence de roussettes frugivores en lieu et place de vampires. D'autant plus que d'autres chauves-souris apprécient le goût du sang frais, qui plus est lorsque celui-ci trouve sa source dans le sourire vertical d'une demoiselle. Le préposé restera par contre, comme souvent chez Jean Rollin, plus circonspect devant certaines de ses scènes érotiques. Que notre duo d'héroïnes vierges se consolent, s'embrassent et se caressent et plus si affinités dans un lit du château n'a rien d'improbable dans l'univers Rollinien, que l'une d'elle tâte et joue du fouet, sur son amie enchaînée vers la fin du métrage, l'est un peu plus. Soit. Fallait-il toutefois verser dans la plus crapoteuse imagerie sadique, à travers une longue scène de viols dans le donjon du château par sbires d'Erica ? Pas sûr. La scène semble être davantage un insert et un compromis à la sexploitation tant sa justification est nulle et non avenue.
Requiem pour un vampire, par son ambiance de fin de règne, crépusculaire et surréaliste, confirme le potentiel de Jean Rollin à transcrire un univers unique, en dépit des réserves mentionnées et des faiblesses intrinsèquement Rolliniennes. Entouré d'anciens et futurs fidèles collaborateurs, dont son quatuor d'actrices, le réalisateur marque une étape, en attendant ses Lèvres de sang.
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