Dantesque
Je savais que je pénétrais en territoire miné en appuyant sur play. Un film sorti en direct DVD, ce n'est un gage de sécurité. En même temps ce fut le cas pour la Bataille de Brest-Litovsk qui, ma...
Par
le 30 mai 2013
9 j'aime
3
La première interrogation que l’on se pose à la vue de Rescue Dawn est la suivante : pourquoi transposer l’histoire d’un aviateur rescapé de sa captivité au Vietnam, histoire déjà racontée dans l’excellent documentaire Little Dieter Needs to Fly (1997), en un survival fictionnel ? Raisons budgétaires, selon le cinéaste. Autre chose aussi. C’est qu’entre-temps, Dieter Dengler a quitté le monde des vivants et, ce faisant, a accédé au statut de héros à part entière – le héros ne peut qu’être absent de la réalité, sa nature est essentiellement fictive, prise en charge par un récit légendaire dont il devient le personnage principal.
Et le cinéaste se plaît à entremêler les genres : là où son documentaire revendiquait une liberté avec le passé reconstruit de l’aviateur, notamment lors des séquences oniriques, son œuvre de fiction adopte une esthétique similaire à celle du documentaire. Nous suivons les acteurs comme s’il s’agissait de vraies personnes parfois affranchies d’un cadre qui les cherche davantage qu’il ne les enferme – pensons à l’entrée de Dieter prisonnier dans le camp ennemi, que la caméra capte avec distance puis qu’elle évacue au profit d’un plan sur une famille venue assister à l’humiliation.
Après une première demi-heure plutôt tiède durant laquelle Herzog emprunte passages obligés et clichés lourdement traités, nous percevons le cœur battant de l’œuvre : représenter la détermination d’un individu à survivre et à échapper à la folie ambiante, mieux à suivre sa folie propre qui le rend si souvent hilare et insolent à l’égard de ses bourreaux – une folie qui le raccorde à son destin, celui de voler. Nous retrouvons l’importance de la marche à pied pour s’ouvrir au monde, croyance que répète Herzog depuis ses débuts et que cristallise magnifiquement son livre Vom Gehen im Eis (1978) ; car les épreuves endurées par Drengler font de lui un martyre, une icône dont la contemplation nous élève, nous spectateurs, à la vérité.
Voilà ce que disait le cinéaste au micro de France Culture le 25 août 2020 : « Les faits ne font pas la vérité ; grâce à l’imagination, à la poésie et l’invention, il est possible d’atteindre l’extase […], un accès profond à la vérité » (Werner Herzog : « Le XXIe siècle sera le siècle de la grande solitude »). Rescue Dawn constitue donc le second volet d’un diptyque passionnant sur un homme passé, grâce à sa fictionnalisation, du statut de témoin à celui de héros.
Créée
le 26 sept. 2021
Critique lue 317 fois
3 j'aime
D'autres avis sur Rescue Dawn
Je savais que je pénétrais en territoire miné en appuyant sur play. Un film sorti en direct DVD, ce n'est un gage de sécurité. En même temps ce fut le cas pour la Bataille de Brest-Litovsk qui, ma...
Par
le 30 mai 2013
9 j'aime
3
C'est toujours agréable de voir un réalisateur qui n'a pas trop perdu de son mordant malgré les années qui passent. Herzog, même si je n'ai vu que peu de films, m'a toujours secoué, y compris lorsque...
Par
le 6 oct. 2015
8 j'aime
2
Ca faisait longtemps qu'on n'avait plus vraiment entendu parler de Herzog. Faut dire que le monsieur s'était un peu enterré, réalisant certainement quelques mauvaises choses (je ne peux pas en dire...
Par
le 6 mai 2011
6 j'aime
1
Du même critique
Nous ne cessons de nous demander, deux heures durant, pour quel public Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu a été réalisé. Trop woke pour les Gaulois, trop gaulois pour les wokes, leurs aventures...
le 1 févr. 2023
127 j'aime
9
Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...
le 19 janv. 2019
89 j'aime
17
Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...
le 11 sept. 2019
78 j'aime
14