Ça c’est du gros lierre !

Les quelques rares DTV des plateformes de SVOD chinoises qui arrivent par chez nous n’ont pas souvent droit à un bon traitement. Ils ont la plupart du temps droit uniquement à une sortie DVD, parfois directement en VOD, et très souvent uniquement en VF avec un doublage fait à la va-vite avec une synchro labiale à l’arrache. Et parfois, miracle, ça arrive en blu-ray, avec même une version originale sous-titrée français, comme c’est par exemple le cas de Restart The Earth, bobine de 2021 de Lin Zhen-Zhao (The Unity of Heroes, Snake). Alors il n’y a aucun bonus, pas même une bande annonce, mais qu’importe au final. Mais il y a un hic, un très gros hic. C’est bien joli de tenter de sortir des DTV chinois chez nous, mais pourquoi ne pas essayer d’en choisir des bons ? Là, on a l’impression qu’ils ont ouvert un catalogue long comme le bras et qu’ils ont joué à plouf-plouf façon « Ça sera toi qu’on choisira ! ». Pourtant, en faisant un minimum de recherches sur la toile, ici ou ailleurs, il y a moyen de voir lesquels ressortent du lot. Mais non, on a droit à Restart The Earth, une tentative fauchée de film de SF façon La Guerre des Mondes qui ne réussit pas grand-chose de ce que ça entreprend. On est clairement plus proche du nanar que du bon film…

L’intrigue du film était prometteuse, tout comme le matériel promo (affiches, trailer) mais quand on trempe un peu dans le DTV chinois, on sait que les budgets sont peu élevés et faire un film de SF de cette envergure, avec des gros décors post-apocalyptiques où la nature a repris ses droits, avec des attaques de monstres végétaux géants, et une planète Terre toute entière qui est menacée, c’est peut-être un peu (beaucoup ?) trop ambitieux. La Guerre des Mondes n’est pas la seule source d’inspiration, on y retrouve également du Sans un Bruit avec ses créatures aveugles et qui fonctionnent avec les sons, le jeu vidéo The Last of Us, avec ce père qui protège cette jeune fille, ou encore le gros succès chinois The Wandering Earth dès lors que la politique et l’élan patriotique du dernier acte vient se mêler à l’affaire. Oui, l’esprit ultra patriotique qu’on retrouve souvent dans le cinéma chinois est bel et bien là, avec ces soldats près à se sacrifier pour leur pays, avec ce père, un simple habitant, qui inspire l’espoir perdu de l’humanité et qui lui aussi va se sacrifier, ou encore une planète Terre qui finit sauvée par, je vous le donne en mille, des chinois. Mais ce n’est même pas ça le plus problématique de cette bobine, c’est l’accumulation de petits points noirs qui viennent faire que le visionnage n’est pas des plus agréables. Le casting a beau être plutôt solide, les personnages sont souvent à baffer, prenant régulièrement des décisions cons comme leurs pieds les mettant en danger. Quand ce n’est pas ça, c’est le personnage du père qui a le chic de toujours trouver les bonnes solutions pile au bon moment, facilité scénaristique quand tu nous tiens… Mais la palme du personnage le plus énervant revient à la petite fille qui mériterait des baffes. Lorsque ce n’est pas les personnages qui font des choses incohérentes, c’est le scénario qui le devient. Alors oui, nous sommes ici dans une sorte de blockbuster qui mise sur le spectaculaire et il ne faudrait pas commencer à trop réfléchir mais il suffit de réfléchir 2 minutes à ce qu’on nous raconte sur ces plantes et à ce que deviendrait la Terre si, comme ils le disent, les terres émergées étaient recouvertes à 80% de ces plantes pour se rendre compte de la stupidité de la chose.

La construction du film a elle aussi ses tares. Bien que le film s’inspire de ce qui a déjà été fait à droite à gauche, le scénario ne se contente pas de copier bêtement et essaie de construire quelque chose bien à lui. Malheureusement, on a parfois l’impression d’être dans un assemblage artificiel façon Frankenstein de divers bouts d’intrigues collées bout à bout afin de faire quelque chose qui tient à peu près la route sur 1h30. Comme si le réalisateur / scénariste s’était dit « tiens, je prends ça de tel film, je prends ça de celui-là, je prends ça de tel autre » et qu’il les avait montés ensemble pour faire Restart The Earth. En soi, ça fonctionne à peu près, mais il est difficile de voir ces 1h30 comme un tout. Et puis il y a le visuel qui est aussi bien une qualité qu’un défaut au film. La conception générale du monde infesté de plantes mutantes est assez impressionnante, et le design des plantes en question est plutôt réussi, avec ces branches géantes qui ressemblent à des gros serpents plein d’épines qui arrivent parfois à créer une atmosphère de suspense et d’urgence. D’autant plus que Restart The Earth semble être pensé comme un film de Michael Bay, c’est à dire construit autour de scènes qui se veulent spectaculaires comme cette traversée d’un pont entre deux gratte-ciels alors que les bâtiments environnants s’effondrent. C’est très ambitieux, avec ces tsunamis végétaux appelés « vagues vertes » ou ces arbres qui ont tellement grandis qu’ils dépassent désormais la couche d’ozone. Sauf qu’on en revient rapidement au manque de moyens par rapport aux ambitions et le tournage 100% studio avec des fonds verts et des montres-plantes exclusivement en CGI, ça fait rapidement tiquer. Oui, on sent une réelle envie de bien faire, une réelle envie de rendre tout ça impressionnant, mais les images de synthèse sont très voyantes, en plus de ne pas toujours être de très bonne qualité, et les fonds verts sont identifiables en une fraction de seconde. Pire encore, ils sont tellement voyants qu’on a parfois l’impression que les arrières plans sont des matte painting de mauvaise qualité.

Restart The Earth est un film de SF beaucoup trop ambitieux par rapport à son maigre budget, en plus de ne pas faire les choses correctement en termes de construction de scénario. Il y avait clairement mieux comme DTV chinois à sortir chez nous…

Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-restart-the-earth-de-lin-zhen-zhao-2021/