Restless en film d'ouverture de la sélection Un Certain Regard : la décision avait étonné plus d'un cinéphile,à l'égard d'un auteur habitué aux récompenses en Sélection Officielle (Palme d'Or pour Elephant, Prix du 60ème anniversaire pour Paranoid Park). Décision justifiée à la vision de ce métrage en petite forme, qui ne tient pas ses promesses même s'il n'inquiète pas pour la suite de la carrière d'un des plus grands réalisateurs américains.

Gus Van Sant choisit ici de traiter de l'angle de la mort par l'intermédiaire d'adolescents - comme toujours - mais pas des conséquences de la mort sur la vie sociale (Paranoid Park) ou de la mort comme but et fin (Elephant) ; ici se joue l'histoire d'une adolescente condamnée par la maladie et qui désire vivre avant sa fin. C'est Annabel passionnée d'évolution, de faune et de flore qui intéresse ici, une jeune fille atteinte d'un cancer en phase terminale éprise des propos de Charles Darwin alors qu'on l'aurait aisément imaginée philosophe (postulat de type « la métaphysique triomphant sur la nature »). Son personnage est ambivalent, animé alors que est si proche de la mort, et ce bouillonnement vital va, dès le départ, handicaper ses relations avec Enoch, le personnage masculin. Jeune homme obnubilé par la mort depuis celle de ses parents dans un accident de voiture, son coma l'a fait côtoyer celle-ci au plus près étant bébé ; une frayeur qui ne l'a plus jamais quitté depuis. Enoch passe son temps à assister à des funérailles, il y rencontre Annabel qui agresse son handicap social par sa vivacité et son insolence. Deux personnages confrontés à la même situation et pourtant antagonistes, d'autant qu'Enoch a opté pour la voie de la métaphysique (le fantôme Hiroshi, son compagnon) afin de dresser un voile entre son imaginaire et la réalité.

On retrouve ainsi mêlées un récit digne d'un très bon Van Sant, mais tout autant d'une comédie romantique niaise : deux personnages que tout oppose se découvrent faits l'un pour l'autre au cours d'une épreuve qu'il doivent affronter ensemble ; la séparation est impossible, ils devront donc tracer leur route dans le désert. C'est simultanément la force et la faiblesse du film : face à un destin tragique, Enoch et Annabel doivent oublier et vivre, profiter des derniers instants au lieu de se lamenter sur l'inévitable. Enoch invite Annabel à découvrir son monde et vice-versa ; les personnages secondaires ne sont plus que des obstacles dans ce qui restera le plus grand amour de leurs vies. Tout cela rend le film très beau en ce que Gus Van Sant accomplit pleinement son pari initial : dépoussiérer la mort de son caractère glauque. Un cimetière devient ainsi une unité de lieu commune, au même titre qu'une rue, où la vie prend le dessus sur l'ensemble. Une lumière et une photographie magnifiques confortent dans cette position.

Mais alors pourquoi être déçu ? Parce qu'à vouloir jouer le funambule, le film en devient trop aérien, trop loin de nous. Comme si la jeunesse vivait dans un rêve inaccessible, les personnages évoluent au sein d'une bulle, dans laquelle le spectateur n'est jamais invité. Ils vivent l'un pour l'autre mais n'existent guère en dehors. La capacité d'empathie pour leur relation est donc grièvement mise à mal. Van Sant sait généralement nous rapprocher d'individus pourtant extra-ordinaires, qu'ils soient serial-killeur (Elephant), rock star brisée (Last Days) ou petits génies (A la rencontre de Forrester, Will Hunting). Ici, il réalise un film pour lui, où la perfection plastique ne fait que renforcer la distance entre le monde à l'écran et le spectateur. Le film se veut frais mais devient froid, nous plaçant encore une fois à intervalle raisonnable des personnages. Il manque de l'incarnation à ces jeunes comédiens au physique impeccable (Mia Wasikowska et Henry Hopper), un peu plus d'humanité et moins d'admiration dans le regard de Van Sant, pour que le tout s'articule et nous parvienne peut-être. Deux étoiles certes sévères, mais justifiées par l'aspect « film pour midinettes arty » qui le parcoure ainsi que le sentiment d'exclusion qu'il imprime.

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le 25 juin 2011

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C G

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