Bollène. Une ville du Vaucluse qui abrite un peu moins de 15 000 âmes, non loin du site nucléaire de Tricastin et de l’usine hydroélectrique André Brondel. Loin des images de carte postale qu’on attribue souvent aux villes du sud, Bollène est une agglomération triste et divisée en deux. Une zone pavillonnaire, où vit une population active très majoritairement « de souche française », entourée de barres d’immeubles pourris autrefois destinés à la classe ouvrière et où s’entassent aujourd’hui une majorité de maghrébins pour la plupart au chômage. La municipalité est gérée par La Ligue du Sud, un parti qu’on qualifiera en toute nuance comme très très à droite. Bollène, c’est une ville où même les arabes votent sans complexes pour le Front National.
Nassim y a passé son enfance et y a fait ses études. Il est aujourd’hui un ingénieur/commercial brillant, qui travaille et vit aux Emirats Arabes Unis avec sa fiancée américaine, Elizabeth. Après de longues années d’absence, Nassim retourne le temps de quelques jours à Bollène pour les fiançailles de sa soeur, présenter sa compagne et saluer cette famille qui elle, n’a jamais bougé. Au plus profond de son être, Nassim a honte de tout. De ses origines, de sa famille. Là où et comment elle vit, ce en quoi elle croit et ce dans quoi elle se maintient. Au fond, malgré sa réussite sociale, Nassim n’est jamais parvenu à se construire en tant qu’individu. Habité par une haine sur laquelle il lui est finalement impossible de poser des mots, Nassim a plus ou moins consciemment surtout honte de lui-même.
Depuis déjà de très nombreuses années, le cinéma français bourgeois et subventionné voue une fascination étrange aux quartiers populaires. En région parisienne comme en province, ces grands ensembles phalliques sont avant tout pour lui des zones de fantasmes où il peut gentiment s’encanailler. Où l’autochtone est souvent un dealer, un rapeur, un footballeur ou un fondamentaliste. Un exotisme. Et si l’immigré y trouve souvent sa place à partir des prismes culturels et religieux, on évitera souvent soigneusement de l’intégrer dans le conditionnement social quotidien qui est le sien. Un petit happy end prônant le vivre ensemble, et y a même des chances d’être nominé aux Césars.
Si on peut l’appeler ainsi, le vent de « fraîcheur » que souffle Saïd Hamich sur l’insitution fait du bien. Parce qu’il la prend à contre pied, et rhabille ces quartiers d’une rélaité depuis bien trop longtemps tue ou ignorée. Celle où règne le déseuvrement abyssal, et où il ne se passe justement rien.
Producteur à succès, Saïd Hamich a réalisé son premier film avec trois bouts de ficelle, dans une urgence que je soupçonne comme très personnelle. Sans doute pour dire quelque chose de lui même, qui a vécu à Bollène auprès de sa mère, à travers les traits d’un interprète qui mène d’autres vies que la sienne. Sans s’épargner le moindre instant, mais peut-être pour ne livrer que ce qu’il faut au regard d’un tiers.
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