Une bien belle ressortie pour tout fan de film culte, une oeuvre coup de poing, esthétique, organique et viscérale, jusque là mise à l'écart avant tout à cause de son passage de torture animale on ne peut plus explicite et très perturbant puisqu'il s'agit d'une véritable chasse aux kangourous en forme d'extermination sans appel. L'odeur d'un "Cannibal Holocaust" ou d'un "Calamity of snakes" n'est pas loin, dérangeante, agressive et malsaine. Il y aussi autre chose qui n'a pas dû plaire aux censeurs mais je ne veux pas spoiler.

Film aux relents exploitationistes donc, mais aux effusions on ne peut plus contemplatives, puissante mise en image personnifiant le bush australien à elle seule, tel un élan orangé, poussiéreux et caniculaire annonçant Mad Max 2, au réalisme désabusé typiquement 70s. Descente aux enfers judicieusement progressive réalisée par un Ted Kotcheff qui préfigure magistralement la force simple et brutale de ce qu'endurera son Rambo, avec un casting dégénéré parfaitement culte, ne serait-ce que pour les prestations de Chips Rafferty en shérif avaleur de bière, roi de l'embrigadement éthylique, et plus encore de Donald Pleasence inoubliable en mystérieux déchiré malsain de la vie.

"Wake in fright" parvient à happer le spectateur avec des choses aussi anodines qu'un jeu de pile ou face, s'approchant par certains côtés de l'ambiance de son prédécesseur, maître intouchable en la matière "On achève bien les chevaux". Un peu à la manière d'un "Cockfighter" de Monte Hellman aussi, ce jeu à priori peu palpitant et peu photogénique de pile ou face nous y est si bien présenté que le spectateur plonge avec la même curiosité incompréhensible dans son ambiance lourde et pleine de sueur étonnamment addictive. Comment rendre passionnant un jeu où l'on parie sur pile ou face ? Ted Kotcheff en fait la brillante démonstration magnifiant l'excès qui règne autour de tout jeu de paris, y ajoutant un débit de boisson tellement authentique qu'il en devient naturellement malsain.

Pour autant, le propos du film est assez minimaliste et peut poser un problème de taille. John Grant, l'anti-héros professeur d'école, insignifiant et bringuebalé dans tous les recoins malfamés et claustrophobiques de la bourgade de Yabba, expose une psychologie très limitée et une volonté un peu trop évasive et foncièrement illogique, en plus de ne pas fulminer de charisme. Il se montre faible et influençable, peut-être trop, véhiculant des convictions aux antipodes de la beauferie australienne. Du coup, lorsqu'il commence à suivre la déchéance qui accompagne ses rencontres, il est assez malvenu qu'il suive la route de la veisalgie journalière sans aucune motivation supplémentaire que son destin d'âme perdue. Ses choix sont en partie involontaires mais il semble tellement sain et propre sur lui à côté de cela que j'ai quand même eu du mal à croire qu'il puisse s'enfoncer sans broncher dans la sous-culture redneck avec autant de volonté destructrice et si peu de volonté tout court, en particulier quand on en vient à exterminer des kangourous. Son personnage justifie tout ou presque ce qui peut s'avérer un peu léger mais la teneur de cette folie en est d'autant plus frappante. Cet être anodin, presque méprisable, plonge dans la débauche tout en gardant une retenue civilisée troublante qui fait aussi la force de captation de ce bad trip en plein désert.
drélium
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le 10 déc. 2014

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drélium

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