Toutes les raisons des réticences devant Hana de Hirokazu Kore-eda se trouvent confortées, hasard des visionnages, quelques jours plus tard avec Revenge de Tadashi Imai. Les moyens ne semblent pas faramineux pour ce chanbara produit par la Tōei et pourtant, il suffit de quelques dispositions pour le rendre infiniment plus agréable. La photographie soignée qui épouse la pellicule noir et blanc et confère à de nombreuses séquences une ambiance très classieuse, le recours avec parcimonie aux décors de studio qui s'intègrent sans trop de dommages au reste, et une thématique pertinente en lien avec la critique des codes du samouraï — en ce sens, dans le prolongement direct de son précédent film Contes cruels du Bushido.
Pourtant Adauchi n'a rien d'irréprochable, à commencer par sa première demi-heure qui peut relever de l'épreuve pour peu qu'on n'y accorde pas une attention sans faille. Comme souvent dans les productions japonaises des années 60 dans ce registre, une profusion intense de personnages envahit l'espace et les dialogues denses, partagés entre les samouraïs de rue et les supérieurs hiérarchiques ou politiques qui à l'occasion étalent leur arrogance sans état d'âme. Il faut bien s'accrocher pour suivre les relations de cause à effet, pour bien relier les points entre les différentes familles, les différents clans, et les inimitiés qui peuvent les relier. Et pour envelopper le tout, une narration très fluide alterne entre temps présent et passé au moyen de flashbacks qui ne s'annoncent pas de manière nette, ce qui d'un côté confère à l'ensemble une homogénéité de l'action très appréciable mais de l'autre peut rendre la compréhension délicate — les zones de flottement ne sont pas rares, dans lesquelles on hésite quant à la temporalité, malgré les variations de costume et de barbe.
Les rouages sont pourtant relativement simples : un samouraï de rang inférieur tue en duel non-officiel un membre éminent d'un autre clan qui l'avait provoqué et humilié en critiquant la qualité de ses armes mal entretenues. Exilé sous prétexte de folie, il finira par devenir un véritable psychopathe lancé malgré lui dans un second duel, officiel cette fois-ci, organisé pour laver l'affront du clan importuné. Ce dernier affrontement se révélera être une gigantesque mascarade déloyale, mis en place uniquement dans le but d'assassiner le mécréant et réécrire l'histoire pour qu'elle soit conforme à la figure des puissants et du Bushido qu'ils promeuvent — vidé de son sens.
C'est un film original, en tant que chanbara, au sens où au total on ne comptera que trois séquences de baston faisant intervenir les katanas, dont une en hors-champ qui ne se manifestera que par un corps mort et lacéré. Tadashi Imai privilégie manifestement l'atmosphère, pesante à souhait, bercée régulièrement par ces percussions caractéristiques du genre, à base de bruits boisés, qui accompagnent très bien les différentes tonalités du récit, tantôt calme et orientée vers la discussion, tantôt lourde et sujette à une grande pression. Avec sa composante politique qui détaille la part d'hypocrisie structurant une organisation sociétale féodale et le portrait plutôt original et peu académique du protagoniste régulièrement pris de panique lorsqu'il se sent menacé, loin des canons du genre glorifiant des samouraïs valeureux et constamment dans la maîtrise d'eux-mêmes, Revenge parvient à susciter un intérêt assez inattendu.
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