Susanne Bier, nominée aux Oscars en 2007 pour son film After The Wedding, nous revient cette année avec Revenge, qui lui a enfin permis de décrocher le prix lors de la dernière cérémonie.
Christian (William Jøhnk Nielsen) est un garçon de 12 ans, et vient d'emménager avec son père dans une bourgade Danoise suite à la mort de sa mère. A peine arrivé dans son nouveau collège, il deviendra l'ami d'Elias (Markus Rygaard), un garçon du même âge, et sujet aux railleries de ses camarades. Plein de rage à cause de son deuil, il ne tardera pas à montrer des signes de violence inquiétants, bastonnant un élève se moquant régulièrement d'Elias. De son côté Anton (Mikael Persbrandt), le père d'Elias, médecin humanitaire travaillant en Afrique tente d'apporter son aide à la population locale, qui est quant à elle aux prises avec un chef de milice, maniaque s'amusant à éventrer les femmes enceintes.
Rarement au cinéma on aura vu aussi bel essai sur la violence. Susanne Bier, disposant d'un solide scénario (signé Anders Thomas Jensen, son comparse habituel), réussit à nous dépeindre avec brio ce qui peut pousser à la violence, et ce qui au contraire, peut pousser au pacifisme, ceci grâce au subtil mélange de ces deux histoires s'entre-croisant pour mieux se compléter. Très vite les personnages sont cernés, nous faisant craindre le pire, Susanne jouant constamment avec nos nerfs et nous poussant à nous demander jusqu'où tout cela va mener.
Non seulement Susanne dispose d'un excellent scénario, mais sa direction exemplaire ainsi qu'une photographie somptueuse (opérée par un autre de ses inséparables, Morten Søborg) viennent soutenir l'oeuvre, que ça soit durant les scènes en Afrique ou au Danemark (auquel elle offre un magnifique cadeau, variant constamment les décors et nous faisant découvrir la beauté insoupçonnée de ce pays). Une photographie qu'elle n'hésite pas réutiliser dans un générique de fin qu'il serait dommage de louper, tant les images dilatent la rétine.
S'ajoutent à cela des acteurs tous plus justes les uns que les autres, que ça soit Mikael Persbrandt dans son rôle d'homme persuadé qu'il faut tendre l'autre joue plutôt que répondre, de même qu'Ulrich Thomsen, jouant le père de Christian, ne sachant pas comment gérer son deuil ni celui de son fils.
Rappelant par moment Funny Games d'Haneke, Susanne se concentre quant à elle d'avantage sur les mots et la tension globale plutôt que sur l'escalade dans la violence gratuite, et sans morale. Susanne a un message à faire passer, et elle y réussit on ne peut mieux, et on ne peut qu'être d'accord avec l'Académie de lui avoir décerné cet Oscar.
Bref, Revenge est la consécration d'une réalisatrice (et scénariste) hors-norme, passionnante et passionnée, aussi délicate que violente, et qui, on l'espère, deviendra une figure du cinéma contemporain, même si elle dispose déjà de son — relativement — petit club d'habitués. Film poignant, dans lequel l'innocence de l'enfance est démystifiée, tout comme celle du médecin le plus pacifiste. Peine, fureur, amour et haine s'entrechoquent, et dans une synergie, nous absorbent pour mieux nous faire ressentir ces sentiments contradictoires.
Pour conclure, si vous aimez les drames saupoudrés de thriller s'attaquant à la nature humaine, cette oeuvre pourrait bien faire partie de votre Top 10 du genre, tant son effet s'avère probant. Les moins aguerris y trouveront également leur compte, la réalisatrice expliquant les choses de manière simple, sans fioritures réservées à une élite.
Mention spéciale pour William Jøhnk Nielsen, troublant dans le rôle de ce petit garçon dont la mort de sa mère l'a rendu froid comme le marbre et nerveux comme une carne.