Il faut rêver très haut pour ne pas réaliser trop bas.
Elu meilleur film au festival international de Rio de Janeiro, Rêves volés, adapté du roman As meninas da esquinta d'Eliane Trindade et réalisé par Sandra Werneck, une des figures actuelles du cinéma Brésilien, nous livre un récit édifiant suivant la vie de trois adolescentes aux destins brisés.
Jéssica (Nanda Costa), Daiane (Amanda Diniz) et Sabrina (Kika Farias) sont trois adolescentes d'une favela de Rio de Janeiro. Pour gagner un peu d'argent, elles se prostituent occasionnellement. Et malgré les problèmes du quotidien, elles ont les mêmes rêves que toutes les adolescentes. Elles essaient de garder le sourire et de continuer à rêver à un monde meilleur.
Le synopsis (du distributeur) aurait dû préciser « elles ont les mêmes rêves que toutes les adolescentes BRESILIENNES ». Car ce qui parait acquis pour nous occidentaux ne l'est pas forcément au Brésil, un téléphone mobile ou un lecteur mp3 faisant figure du summum du rêve. Pas d'alternative possible, si l'on veut ces choses, il faut se prostituer, que l'on soit majeur ou non, et surtout si l'on est une femme. Une vision sordide, mais réaliste, qui nous transporte à des années lumières de l'immondice qu'était le film Tout ce qui brille.
On sent la chaleur du Brésil, mais aussi sa crasse, emmêlées de façon à nous faire ressentir à quel point ce pays si beau empile les strates, des plus belles aux plus sales, ainsi que le peu d'espoir que peuvent avoir de jeunes femmes dans de telles conditions.
On est évidemment retournés et révoltés par cette condition, mais malheureusement, la réalisatrice, Sandra Werneck, semble avoir du mal à gérer l'intensité de ses scènes, donnant un air de platitude tout le long durant. Non pas que les moments les plus éprouvants n'auront pas leur effet, mais l'on aurait aimé quelque chose de plus dynamique, la réalisation manquant d'engagement et de subtilité, ce qui est d'autant plus étonnant que Sandra Werneck n'en est pas à sa première réalisation, et que ses précédentes paraissaient bien plus maîtrisées (Possible Loves, notamment).
Le plus décevant reste le personnage de Sabrina, complètement inutile et la plupart du temps occulté, pour se concentrer sur la vie de Jéssica et Daiane, nous poussant à nous demander quelle était son utilité. Trois pour faire comme les Trois Mousquetaires ? Parce que l'on ne dit jamais deux sans trois ?
Bref, Rêves volés n'est pas un « excellent » film, mais simplement un bon moment de cinéma, et qui plus est il est vivement conseillé à tout occidental de le voir, que ce soit pour s'informer sur les conditions sociales au Brésil et notamment sur celles des femmes.
Sandra Werneck pourra remercier les présences de Nanda Costa et Amanda Diniz, qui malgré une réalisation manquant de constance nous livrent toutes deux des interprétations à la hauteur de leurs personnages.
Walter Carvalho, le directeur de la photographie apporte également beaucoup, nous offrant quelques plans biens fichus nous restituant l'ambiance particulière de ce pays.
On aime, mais l'on regrette simplement que le tout n'ait pas été un petit plus travaillé, que ça soit dans sa réalisation que dans son histoire, qui bien qu'elle soit poignante, n'apporte finalement pas grand-chose à ce que l'on a déjà pu voir sur le sujet, si ce n'est une énième stèle sur les rêves volés...
A noter également le morceau extrait de la bande-originale, « Sonhos Roubados », superbe, interprété par Maria Gadú et composé par João Nabuco, Antonio Villeroy et Eugenio Dale.
Pour conclure, les amateurs du Brésil, les curieux, et les féministes auront ici de quoi passer un bon moment, qui bien que difficile, garde une touche d'espoir grâce à ces demoiselles qui ne perdent jamais la foi.
Mention spéciale pour Nanda Costa, mais aussi Amanda Diniz, toutes deux récompensées pour leurs prestations, la première ayant reçu les prix d'interprétation au festival international de Rio de Janeiro et au festival du cinéma Brésilien de Miami, et la seconde le prix spécial du jury également à Miami.
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