Quelle bonne surprise ! Après Orgueil et Préjugés qui, selon moi, est une démonstration technique plus qu'une oeuvre cinématographique, mais pour un premier long métrage rien d'étonnant. Cependant, l'objet que vous avez devant les yeux est tout autre. Joe Wright est comme le grand vin. Nous avons, et de loin, dépassé la maîtrise pour la maîtrise, Monsieur Wright devient, selon moi, un grand cinéaste, et transcende, il déroule un ensemble complet, suffisant, nécessaire, simple et vrai.


Pour résumer rapidement et vulgairement les événements qui s'enchaînent dans ce film, je dirais un jeune homme (Robbie) et deux soeurs, avant, pendant et après la guerre. Le jeune homme et la plus âgés des soeurs (Cécilia) sont éperdument amoureux, et la jeune soeur (Briony) de treize ans est également amoureuse du jeune homme, un amour qu'on mettrait aisément sur le dos de la jeunesse de Briony, et on aurait raison.


Ceci est bien la trame de cette histoire, bien que, vous le devinerez, il y ait bien plus. En effet, nous admettons très bien l'amour que les deux jeunes gens se portent l'un à l'autre, et nous admettons également très facilement qu'une jeune soeur jalouse soit capable de porter préjudice à ce couple passionné. Nous l'admettons, et nous le comprenons aisément, sans développer aucune animosité envers le personnage. Quand la police emmène Robbie à cause de cette dernière, qui affirme, à tort, avoir vu de ses yeux Robbie essayer de violer une fille de son âge, nous ne portons aucun dégoût sur ces très jeunes adolescentes. Le jeune Robbie fait donc de la prison, une superbe ellipse habillement menée, on l'en sort pour qu'il s'enrôle dans l'armée, et il part combattre sur les lignes françaises.


Ce film est un acte manqué, il en est la quintessence. L'amour que se porte Cécilia et Robbie nous est décrit suffisamment, et finement. Les informations que le réalisateur laisse échapper du récit sur la manière dont ils s'aiment sont édifiantes, cela ne fait aucun doute, ces deux personnages s'aiment d'un amour brûlant et évident, les scènes qui en traitent sont peu nombreuses, mais le dessin est net, crédible. La petite soeur nous rappelle aisément les vengeances que nous avons assouvi contre nos frères ou nos soeurs. Ladite mise en cette situation utilise donc un lieu commun de manière très efficace, avec les nuances nécessaires qu'impose l'usage d'un cliché dans un film digne de ce nom. Toute cette partie du film est, de plus, très drôle et, encore une fois, en grande partie grâce l'habilité du réalisateur à mener des ellipses et des flashbacks. Chez Joe Wright, La comédie mène au drame.


Dorénavant séparés, les protagonistes vivent les horreurs de la guerre chacun de leur côté, et l'accent semble être porté sur le parallélisme qui existe entre leur trois existences. Ils semblent unis dans la solitude, unis dans leurs espoirs de rédemption, de délivrance. Pour l'un, la guerre semble un désert à traverser, sans eau, pour l'autre une punition divine, et au sommet de ce triangle amoureux, il y a Cécilia qui semble subir, se battre, accepter qu'elle n'a pas le choix.


Ce film se veut taiseux, et je comprends ce postulat, le bémol que je ferai sera d'ailleurs celui ci, il est à mon goût trop peu dialogué. Il n'en a pas besoin vous me direz, l'histoire est très bien raconté et le propos clair. Cependant, la parole rajoute en humanité, et je pense qu'il pourrait en gagner d'avantage. Et, la parole, je trouve, pourrait amener encore plus de nuances aux lieux communs utilisés. Je pense évidemment à la soeur jalouse, qui est archétypique, il est aussi très convenue qu'elle s'en veuille de ce qu'elle a fait en grandissant, des passages dialogués dans cette évolution aurait pu, à mon sens, ajouter en densité.


Le retournement de fin est une jolie mise en abîme, que je tairai, pour que, vous qui me lisez, ne perdiez à aucun moment le plaisir de regarder cette petite merveille du Septième art. En tout cas, un superbe film, une équipe de technicien, d'artistes et d'artisans qui, ensemble, ont réussi l'ambitieux défi d'extraire l'essence du drame, le défi d'élaborer, et de tenir dans leur main, la simplicité vrai.

ThibaudCrevel
8
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le 11 nov. 2017

Critique lue 213 fois

Thibaud Crevel

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