Alice Winocour nous revient après Augustine avec Vincent Lindon et Proxima au casting anglophone, et se frotte aujourd'hui au sujet diablement épineux des attentats de Paris. Ou plus précisément de la reconstruction entamée par ceux qui ont survécu.
Pour ce faire, elle nous a concocté un trio d'acteurs au sommet: Virginie Efira (bien sûr), Benoît Magimel et Grégoire Colin. Et disons-le d'emblée, c'est la force vive de son Revoir Paris. L'interprétation est parfaite, Efira est au sommet de son art, chacun trouve sa place dans ce triangle amoureux et traumatique en jouant leur rôle d'équilibriste naviguant sur la corde raide de la justesse. Personne n'en fait trop, mais chacun, par la tessiture de la voix, par les regards, par les caresses, transmet ce que son personnage souhaite communiquer.
Malheureusement, dans ce Paris crépusculaire post-attentats où la nuit semble avoir avalé la ville, la réalisatrice a tendance à s'effacer derrière sa caméra. Et Dieu sait si on la comprend. Les embûches étaient nombreuses, son histoire familiale l'impliquait directement (son frère est un rescapé des attentats) et le thème lui traçait une ornière dans laquelle Winocour a su ne pas tomber: le tire-larmes.
Toutefois, à trop s'effacer, le film perd de son impact et devient presque inoffensif. Après la rupture de l'attentat en lui-même (quelques minutes en début de film), la mise en scène aligne les champs/contre-champs bien réglés et assène une routine presque lassante.
La pudique scène d'amour ne provoque rien, la caméra peine à capter les textures des peaux ou les boursouflures des cicatrices (je vous renvoie au film Les Cinq Diables, en salle en même temps, où l'on sent chaque imperfection de l'épiderme, où la peau noire est filmée avec une superbe rare, où les cicatrices sont palpables).
Pareil avec la scène des éboueurs nettoyant les rues des amas de fleurs et de bougies. Vu et revu sur les chaînes info, cet instant pourtant pivot du film peine à faire mouche. Il semble banal. Comme si le souvenir - dans l'esprit du spectateur et dans celui de Winocour - était trop frais pour oser se l'approprier et lui donner chair.
Bref, Revoir Paris est un film en demi-teinte, jamais tire-larme et brillamment interprété, mais auquel une réalisation trop timide peine à insuffler la puissance cathartique qu'il aurait pu avoir. En restent de belles scènes, notamment des nocturnes de Paris qui donnent les frissons.
A découvrir au cinéma.