S’accaparer d’un tel évènement (C’est un restaurant et non le Bataclan, mais comment ne pas y songer ?) pour en retirer ce salmigondis de fictions mal dégrossies n’est-ce pas un poil obscène ? C’est embarrassant car Revoir Paris est parfois touché par une certaine grâce, en grande partie les scènes entre Efira et Magimel, bien sûr, mais aussi de façon plus anonyme avec cette fille dont les parents sont décédés ce soir-là, cette photo d’une parcelle du tableau d’un musée (l’idée de l’image manquante), ou bien avec cette autre fille qui s’est retrouvée à embrasser un inconnu australien dans le faux plafond durant les attentats.
Le problème c’est que Winocour sape son idée par des plans grossiers : Pourquoi les larmes de cette fille de longues secondes en plan fixe avec musique pour te faire chialer toi aussi ? Pourquoi ce plan de roulage de pelle bercé par les rafales de kalachnikov ? Est-il possible de garder un peu de subtilité, préserver un semblant de mystère ? Le film est malheureusement gros sabots en permanence. Il faut que le spectateur éprouve, qu’il sursaute, angoisse, pleure, mais ne choisisse pas quand il éprouve.
Avant l’attaque (qu’on attend, qu’on craint forcément) le film amorce un crescendo angoissant, un suspense insoutenable, marqué par exemple de cet instant dégueulasse où des gamins frappent sur une vitre : « Vous êtes cons, vous m’avez fait peur ! » dira Efira. C’est nul. Le film sera plus lourdingue encore lorsqu’il installera un semblant de suspense autour de celle qui s’est enfermée dans les toilettes, empêchant certaines victimes de s’y cacher aussi. On comprend illico qui c’est mais le film croit te révéler un twist à la Shyamalan à la fin. C’est nul. Quand Efira part à la recherche de celui qui lui a donné la main durant l’assaut, elle se heurte à sa disparition, il serait parti en Italie, dit-on. Et hop in extremis, non il est revenu et il vend des tours Eiffel sur le champ de Mars. C’est nul. Et puis cette idée qu’Efira quitte son mari car elle ne peut pas revivre comme avant, c’est beau, mais pourquoi nous apprendre tardivement que ce soir-là il n’avait pas une urgence hospitalière mais partait la tromper ? Elle n’avait pas le droit de le quitter, gratuitement, à la suite de son traumatisme ? C’est nul.
C’est nul et pourtant ces séquences sont parfois hyper touchantes, sur un regard, une larme. J’aime aussi l’idée que le personnage d’Efira croise en permanence les visages de ceux qui sont morts, car c’est un film de reconstruction parmi les fantômes et c’est clairement ce qu’il fait de mieux. Ça méritait davantage d’épure, ça pouvait être très beau.