Souvenirs Douloureux
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Le problème avec les films d'utilité publique dont celui-ci fait partie, c'est l'évocation du sujet qui peut suffire pour en faire une histoire. Ici on est vraiment à la limite tant la mise en scène paraît pauvre et insignifiante, mis à part une poignée de plans travaillés ou significatifs. En plus, le thème du film a déjà été traité par Kurosawa dans Vivre dans la peur qui est selon moi bien plus réussi, surtout grâce à la prestation de Mifune qui a su incarner la peur elle-même du champignon atomique. Ici l'histoire est assez fade, avec aucun personnage vraiment attachant. Par contre le sujet demeure intéressant pour les passionnés du souvenir historique.
Le point de vue est tout de même un peu différent du film précité, bien qu'on retrouve le thème central de la sphère familiale regroupée autour de la doyenne. Ce qui change, c'est le contexte, plus récent, produisant une passivité d'autant plus accrue de la nouvelle génération, hormis les jeunes petits-enfants qui acquièrent par le biais de leur grand-mère en train de ressasser ses souvenirs, une véritable conscience historique (que je trouve exagérée par rapport à leur âge : c'est l'un des gros défauts du film, ce décalage entre le message qu'on veut faire passer qui est tout à fait noble et important, et les personnages qui l'incarnent). Ces enfants visitent ainsi le monument érigé en souvenir des écoliers carbonisés par la bombe, et leur grand-mère leur raconte des histoires qui ont toutes, sans le savoir, un rapport avec le traumatisme qu'elle a vécu à la suite de la vision du cataclysme atomique (les yeux, l'éclair, les nuages ...). A chaque fois les enfants créent des jeux ou des escapades qui donnent corps à ces drôles d'histoires. La seconde différence avec Vivre dans la peur, c'est la réconciliation consommée entre le Japon et les Etats-Unis, dont l'amnésie temporaire de la grand-mère qui ne se souvient plus de son grand-frère expatrié sert carrément de prétexte, et se greffe par l'intermédiaire de Clark (Richard Gere) qui apparaît plus avancé que ses cousins japonais en acceptant son double héritage, japonais (en allant voir de ses yeux les "souvenirs" du Japon) et américain (en reconnaissant sa "faute").
Dommage que le traitement soit un peu raté, car ce triple regard inter-générationnel sur la bombe atomique est intéressant dans l'idée, avec l'emphase sur les anciens qui "savent" (comme la grand-mère et une voisine qui se comprennent sans parler), et les petits-enfants comme génération à préserver de l'ignorance en laquelle repose l'espoir de rédemption, au détriment de l'entre-deux âges qui veulent oublier, et même prétextent le souvenir de leur mère pour visiter un riche oncle américain à qui ils veulent solliciter un petit coup de pouce. Le dernier plan est d'ailleurs lourd de sens, qui montre qu'aucune génération ne peut atteindre la grand-mère qui est définitivement dans un autre monde. Qu'est-ce qui reste d'autre ? Les petits jeux de l'enfance qui sont globalement énervants car sonnent "faux" (malgré la métaphore qu'ils portent), à l'image du piano qu'ils veulent essayer d'accorder et qu'on entend au moins dix fois jusqu'à ce qu'il sonne enfin juste (en étant gentil la finalité de la chanson est belle), reflétant lourdement l'harmonie enfin trouvée. Richard Gere qu'on entend parler japonais (et il se démerde bien), seul véritable acteur (même si son rôle paraît un peu surfait) hormis celle qui interprète la grand-mère. Heureusement que le film atteint parfois des éclairs de poésie narrative (les histoires que la grand-mère raconte) ou visuelles (tout ce qui tourne autour de "l'oeil" ou des signes de la catastrophe atomique), car le reste est assez pénible à suivre.
Bref, un devoir de mémoire sur la bombe atomique au Japon de qualité à l'intérêt inégal, qui vaut surtout pour les (rares) métaphores visuelles ou narratives de l'horreur, et la manière dont les différentes générations l'intègrent. Pour les complétistes et passionnés d'histoire (et encore).
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le 26 avr. 2017
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