Un cinéaste pose son regard d'artiste sur un peintre complètement habité par la peinture. Prometteur. En prime, ce peintre est une sorte de bonze intégriste qui ne pense qu'à son art, et à l'Art en général. Il sait partager sa passion, et contribuer au débat artistique en procédant à des rapprochements fertiles entre les époques et ses prédécesseurs. Franchement, ça aurait déjà suffit à être passionnant. Mais en plus, il a eu une vie archi romanesque, depuis sa fuite d'Argentine à l'époque de l'accession au pouvoir de Videla, jusqu'à la fin de sa longue carrière, qui l'a mené de Paris à Morlaix en passant par Rome. Le plus intéressant, c'est quand la caméra le suit sur le motif, à l'entrée d'une grotte bretonne aux cailloux semblant faits de jaspe vert, pour le regarder peindre des petits carrés de bois qui, disposés côte à côte, forment un portrait monumental de cette cavité minérale. C'est ainsi qu'il procède, par juxtaposition de petites toiles carrées qui finissent pas révéler une vérité plus grande, et c'est passionnant. Qu'il choisisse de les harmoniser ou au contraire de les laisser apporter à l'ensemble une lumière particulière au moment de leur création, le résultat est sidérant. Notamment ce portrait d'un arbre centenaire désormais disparu, présence imposante et noble saisie en majesté, donnant l'occasion d'une réflexion sur la fragilité du réel. Bref, une rencontre mémorable, mise en mots et en images avec grâce, comme si l'on avait participé à une conversation savante entre deux esthètes arrivés au bout de leur réflexion sur l'art et la condition d'artiste. On mesure combien leur regard est précieux et les efforts qu'il convient de faire pour le protéger. Et on a envie de remercier les amateurs sincères et généreux qui permettent à des êtres aussi uniques de nous faire profiter de leurs lumières. Surtout, ça conforte le sentiment de chance qu'on peut ressentir quand on est peintre, ou simplement sensible aux images. Parce que leurs deux dimensions recèlent des trésors de profondeur que peu d'autres activités humaines permettent de saisir vraiment. En résumé, un témoignage plein de grâce qui donne envie de fondre sur ses pinceaux et de partir à travers la campagne saisir ce que le monde offre de beauté.