Les mots tuent....!

Après plusieurs échecs commerciaux ("Le parfum d'Yvonne", "Tango""), Patrice Leconte réalisa ce film qu'il n'écrira pas (c'est Rémi Waterhouse qui par la suite écrira et réalisera "Je règle mon pas sur le pas de mon père" !). Et c'était une première puisqu'il participait toujours à cette époque aux scénarios...! Il accepta tout de suite!
On le comprend car le scénario est riche. A travers une histoire de sécheresse des marais d'une province infestée par des fièvres qui tuent les habitants, le film raconte en même temps la vie à la cour du roi.
Le film pointe l'égoïsme et le cynisme des bourgeois qui aiment la culture, en particulier Voltaire mais sans se soucier véritablement du sens des écrits et des valeurs humaines de ce grand philosophe. On peut même parler de corruption de la cour
Patrice Leconte nous croque une galerie de portraits admirables. Et pour les incarner il engage un casting surprenant avec certains de ses acteurs fétiches et d'autres qu'il fait jouer pour la première fois. Commençons par les habitués: tout d'abord Jean Rochefort (excellent comme d'habitude !) dans le rôle du marquis de Bellegarde. Il incarne un des êtres les plus humains de cette cour et exerce la profession de docteur. Il est bienveillant et met en garde le jeune baron contre les difficultés qu'il va rencontrer pour réussir son projet utile mais futile aux yeux des gens de la cour ! Autre habitué: Bernard Giraudeau. C'est leur 3ème collaboration et sans doute la plus surprenante ! Il joue l'abbé de Villecourt, un homme manipulateur, ambitieux aux moeurs curieuses pour un abbé ! Giraudeau se délecte de jouer cet homme antipathique et s'en donne à coeur joie et trouve ici un rôle à la hauteur de son talent !
Chez les nouveaux: Charles Berling dans le rôle du baron Grégoire de Malavoy. Choix étonnant car Berling n'avait jusqu'ici joué que des seconds rôles et se retrouve en tête d'affiche. Il est parfait dans la peau de cet homme idéaliste mais malgré tout prêt à beaucoup de sacrifices pour réussir sa mission. Et enfin Fanny Ardant dans le rôle de la comtesse de Blayac. Une femme charmeuse et manipulatrice capable d'aider comme d'enfoncer n'importe qui, même des soi-disant amis...! Elle trouve ici un de ses meilleurs rôles. Elle est à la fois détestable et attachante ! Dans un rôle plus secondaire on notera la présence de Judith Godrêche qui joue la fille de Jean Rochefort et qui a rarement eu un aussi bon rôle (une jeune femme ambitieuse qui fait des recherches scientifiques et qui est prête à sacrifier l'amour...!).
Parmi les petits rôles on notera un jeune sourd et muet touchant qui prouvera qu'il est loin d'être sot comme le pense tout le monde grâce à des gestes d'esprit...!
Si tout ce beau monde est aussi bon c'est aussi parce qu'ils ont des dialogues savoureux. On assiste d'ailleurs à des joutes, comme des duels, de bons mots jubilatoires notamment une scène où Berling annonce des vers en octosyllabe (j'en dirai pas plus !) ! Chaque mot est filmé comme un coup d'épée ! Un mauvais mot et vous tombez dans l'oubli et devenez méprisé par tous...!
Patrice Leconte est au sommet de sa forme. Dès le départ on sait que son film va être grandiose (la scène d'ouverture est un régal irracontable mais qui ne s'oublie pas car elle est audacieuse et brillante à la fois !)! Ce scénario inspire Leconte qui en profite pour signer ce qui est peut être son meilleur film. Il réussit à faire un film populaire (plus de 2 millions de spectateurs pour un film de ce genre était loin d'être gagné !) et intelligent ! A voir absolument, surtout si vous aimez les mots!