Depuis Jean Benguigui me poursuit dans mes cauchemars

Cinquantième film de Chabrol, après son chef-d'oeuvre La Cérémonie (1995) et avant l'escapade malouine d'Au cœur du mensonge (1999). Connu pour ses diatribes et ses farces amères anti-bourgeois, Chabrol infiltre le film d'escrocs et en dynamite les clichés, pour s'installer entre la fantaisie spirituelle et une espèce de réalisme décousu. Serrault et Huppert sont réunis pour former son tandem de voleurs ; la définition du lien entre Victor et Betty sera toujours opaque, leurs interprétations souvent truculentes. Atypique, le duo se déplace en camping-car à travers la France et les pays frontaliers, pour faire ses coups dans des hôtels, à l'occasion de comités d'entreprises, puis d'autres petits le long de la route, dont on ne saura pas grand chose.


Et puis, à peu près tous les mois, il y a les gros coups : Victor en tient un, au travers de Maurice (François Cluzet), qu'il prend ardemment pour un « con ». Au point probablement d'y perdre sa modestie de principe (car Victor est un vieux bougon moraliste, médisant et ne doutant de rien, surtout pas de lui et de son opportunisme). Non seulement le poisson est bien gros mais il y a un prédateur obèse sur la même ligne. Sur toute la durée, le film fonctionne grâce à l'évidence que tout ce qui est projeté va voler en éclat : et la promesse est tenue immanquablement, avec même des surprises en chemin, au milieu de plaisanteries ou démonstrations dont le décalage ferait presque l'effet d'un quatrième mur brisé. C'est ainsi que Betty décide de suivre son propre plan, annonce connaître déjà son amant depuis un an, etc.


Rien ne va plus est plus loquace que rigoureux. Chabrol a crée un pont entre Lubitsch et Mocky, multiplie les traits d'esprits, les dialogues cinglants, s'amuse à relancer les jeux en cours, torpille ses personnages qui doivent se montrer résilients non seulement pour rester dans la compétition mais aussi pour réaffirmer leur intégrité. À la fin, Betty et Victor jouent encore, comme s'ils pouvaient se le permettre, face à un Balmer malicieux en train de mettre en scène leur échec. Mais il y a toujours une duperie ou une alternative dans un recoin. Chabrol tire sur la corde, garde l'équilibre, se régale et se répand en private joke. C'est un film 'de forme', fonctionnel et réjouissant, où Chabrol montre son talent à tailler des personnages et alimenter une dynamique ; de la suite dans les idées à défaut d'en avoir de solides.


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le 4 août 2015

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