Juno Mak a beau être un « nouveau » dans l’industrie cinématographique de Hong-Kong, c’est déjà un touche à tout. Acteur, scénariste, producteur, le voilà qu’il passe à la réalisation en 2013 avec Rigor Mortis, bien décidé à montrer ce dont il est capable derrière la caméra. Et effectivement, son film est clairement un exercice de style où Juno va à fond miser sur le visuel quitte à délaisser en cours de route son histoire, tout en rendant un hommage vibrant à un genre qu’il semble particulièrement apprécier : la ghost kung-fu comedy.
Il est certain qu’il manque clairement une histoire à Rigor Mortis. Le synopsis de départ a beau être bien là, le film va rapidement se centrer sur la petite vie dans ce gros immeuble à moitié délabré où les humains cohabitent avec les esprits comme si cela était presque normal. On nous présente de nombreux personnages, souvent réussis et attachants, leurs relations, leur histoire, leur face cachée. Le rythme s’en ressent, du coup assez lent, ce qui pourra clairement en rebuter mais Rigor Mortis est avant tout un film d’ambiance, un film misant tout sur son visuel. Et quel visuel !
Filtres gris, sépias, couleurs ternes, l’ambiance est pesante et les effets de style très nombreux. Là où certains pourraient être gênés par cette avalanche d’effets il est vrai tapes à l’œil, d’autres comme moi admireront cette démonstration graphique que Juno Mak met en boîte. Il veut vraiment montrer ce dont il est capable de faire et il le montre sur la quasi-totalité des plans, aussi bien sur les mouvements de caméras (la scène de la chute dans l’escalier par exemple), sur les angles choisis pour certaines scènes, que sur les effets spéciaux du bestiaire du folklore local (voir plus bas) avec ces « monstres » au visuel vraiment inquiétant et réussi. On en prend plein les mirettes et la photographie donne dans ce qu’il se fait de mieux à l’heure actuelle dans le cinéma de l’ex-colonie britannique.
Couplé à ce visuel vraiment très intéressant, c’est bel et bien l’hommage aux ghost kung fu comedy des années 80 qui ressort de ce Rigor Mortis. Même si le film n’est pas dénué d’humour qu’il distille ci et là, c’est surtout sur le côté « ghost » du genre que Juno Mak s’intéresse. Il aime ce cinéma et pour lui rendre hommage, il n’a pas hésité dans un premier temps à ressortir tout un lot d’acteurs typiques de cette époque qu’on prend un réel plaisir à revoir à l’écran. Chin Siu-Ho, Anthony Chan, Billy Lau, Richard Ng, Chung Fat, que des acteurs emblématiques de ce style si particulier qu’est la ghost kung fu comedy, vu par exemple dans la saga des Mr Vampire de Ricky Lau ou des Encounter of the Spooky Kind de Sammo Hung.
Mais l’hommage ne s’arrête pas là puisque le personnage de Chin Siu-Ho est une ancienne vedette du genre désormais en traversée du désert, le genre n’étant plus à la mode depuis de nombreuses années malgré un sursaut en 2003 et 2005 avec respectivement Era of Vampires et Shaolin vs Evil Dead, on aperçoit sur une photo dans le film Lam Ching-Ying, le maitre du genre, on retrouve nos fameux vampires sauteurs, créature emblématique du genre (même si ici bien plus énervée), ou encore les noms de Lam Ching-Ying et de Ricky Hui, tous les deux décédés, qui apparaissent au début du générique de fin. Et puis, quel frisson de réentendre dans Rigor Mortis un des thèmes de Mr Vampire…
En tant que très grand fan du genre Ghost Kung Fu Comedy, il y à de fortes chances que je sois beaucoup moins objectif sur Rigor Mortis. Mais ce mélange démonstration graphique / hommage appuyé a parfaitement fait son effet sur moi et je ressors du film réellement emballé par ce que je viens de voir.
Parfois léger, parfois glauque, gore et violent, Rigor Mortis ne surprend que très rarement et n’est à aucun moment effrayant, voilà un film qui déjà divise les amateurs de peloche HK mais qui ne laissera à coup sur pas grand monde indifférent.