C’est une ‘‘alerte dans la ville’’ sur les murs, au coin des rues, pour rendre public, là où une prise de conscience peut émerger sur la violence faites aux femmes. Grâce à la détermination des ‘‘colleuses’’, ces militantes féminines dont le documentaire ‘‘Riposte féministe’’ montre l’engagement et la force, avec des feuilles blanches A4 qui interpellent le regard et les consciences.
Un documentaire pour le cinéma que Simon Depardon et Marie Perennès, les réalisateurs de Riposte Féministe, ont fait, en suivant une dizaine de groupes de militantes féministes dans dix villes, qui collent ces feuilles blanches avec des slogans peints en noir. Présenté au Festival de Cannes elles y ont fait entendre leur message en affichant les noms de 129 femmes assassinées par leurs conjoints ou leurs ex-.
Les collectifs qui nous sont présentés sont variés par leur composition et organisation. Riches des parcours de leurs membres, en permanence dans l’échange d’idées, de méthodes mais aussi dans le faire qui soude leur détermination. Dès la préparation jusqu’au collage, parfois acrobatique mais toujours là pour nous éveiller, nous questionner... et c’est dans le partage de ce ‘‘faire’’ que l’unité et la pertinence de leurs actions mobilisent et nous alertent.
En suivant les collectifs de ‘‘femmes colleuses’’, un des signes les plus significatifs c’est l’appropriation de l’espace public, de cette façon d’y imposer sa présence y compris la nuit (sur un terrain souvent hostile) et d’y laisser sa trace sur les murs même si parfois c’est éphémère ! Souvent la police intervient pour "trouble à l'ordre public". Coller une affiche ce n’est pas un trouble à l’ordre public et, s’il y a trouble, ‘‘c’est qu’en quatre mois il y a eu une quarantaine de féminicides’’, s’exclame Laurence Rossignol, proche du collectif filmé à Compiègne.
Le pari de Simon Depardon et Marie Perennès paraît tout à fait réussi de rendre public, là aussi en s’appropriant de l’espace grand écran, pour mettre à l’ordre du jour la question des féminicides, des agressions faites aux femmes et finalement de la violence vers l’Autre dans notre société. Les violences faites aux femmes ce n’est pas que le geste violent ou meurtrier d’un homme sur une femme, c’est aussi l’exclusion, le rejet, la volonté d’éliminer l’autre, et pas que symboliquement.
Les réalisateurs ont su, de façon fluide et sans directive autre que celle de laisser libre cours aux singularités de chaque collectif. C’est également un pas important dans la diffusion d’une des formes d’assumer l’engagement féministe en le mettant sur la place publique à la vue de tout le monde.
Présentant le film au Forum des Images dans la séquence 100% doc, Simon Depardon l’exprime simplement «un film ne change pas le fond des choses mais peut permettre, aux spectateurs, d’aller un peu plus au fond des choses». C’est, me semble-t-il, bien le cas.
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