Roar est inclassable et impossible à noter. À la fois hilarant et terrifiant, le film est totalement hors de contrôle et le résultat est démentiel. Il faut d'ailleurs être un peu dément pour avoir une telle idée, et surtout s'y accrocher au prix d'une peur permanente qui transperce l'écran.
Noel Marshall, réalisateur et personnage principal de Roar, est un scientifique reclus en Afrique au milieu de centaines de fauves qu'il tente de sauver des braconniers. Sa famille (à l'écran et dans la vraie vie), à savoir sa femme Tippi Hedren, ses deux fils et sa belle-fille Melanie Griffith, le rejoignent dans cette maison de l'enfer envahie d'animaux sauvages forcément incontrôlables.
Voilà, le pitch est posé, il ne reste qu'aux fauves à faire le spectacle. Et c'est bien à un spectacle hallucinant auquel on assiste médusé. Les acteurs sont perpétuellement sur le qui-vive et quand ils courent, ils courent pour de vrai, pour sauver leur peau.
Car Noel et Tippi ont eu cette idée saugrenue de n'utiliser que des animaux non-dressés. Il faut bien comprendre qu'ici on ne parle pas de chatons mignons mais bien de plus de 200 lions, tigres, léopards ou panthères sauvages (et des éléphants énervés !), territorialistes et trop serrés dans ce petit espace, qui passent donc leur temps à se battre violemment, à sauter sur tout ce qui bouge et qui n'est pas un fauve, c'est-à-dire sur la famille Marshall et les quelques autres acteurs. Le danger est donc bien réel et se lit dans chaque regard... plus vrai que nature ! Roar est un truc foutraque, il n'y a pas d'histoire, les vrais scénaristes du film sont les animaux et les acteurs forcent l'admiration (ou le contraire) à répéter leur texte coûte que coûte entre 2 agressions parfois très violentes dont on ne sait pas très bien si c'est pour jouer ou pour manger. On rit à gorge déployée devant ce grand n'importe quoi, et l'on a aussi très peur lorsque le sang apparaît par-ci par-là, les blessures sont aussi réelles que les peurs et l'on se demande comment va se finir cette tension permanente.. le snuff movie n'est pas loin !
Mais surtout, surtout... On assiste à un Jurassic Park en conditions réelles. Difficile de ne pas penser au film de Spielberg dont de nombreux plans rappelleront son film de dinosaures : le garçon qui se cache dans un placard de la cuisine, les raptors/tigres, le T-Rex/lion, et Noel aux allures de John Hammond totalement dépassé par son projet. Mais pas de faux semblants dans Roar, pas de créatures électroniques ou mécaniques, même pas des animaux dressées ! Les acteurs ne jouent pas la comédie, ils jouent leur vie.
Par moment même, lors de certaines invasions de tigres, on a l'impression d'assister à un film de zombies. Les animaux déferlent par vagues et les acteurs, submergés, se réfugient où ils peuvent à la manière d'un Walking Dead. En cela, Roar est un snuff zombie !
Au final on ne sait pas bien si cela tient du génie ou de l'inconscience pure. Le film, impossible à réaliser, est rempli de dialogues enregistrés en studio, de montages frénétiques et incohérents pour donner un semblant de ligne narrative dans ce grand bordel hors de contrôle. Parfois, des dialogues sont gardés, comme ce moment si naturel de Tippi Hedren, encerclée de lions avec ses enfants : "Oh my goodness ! Jerry, help your sister !". Pendant que la pauvre sœur (Melanie Griffith), à terre, ne peut se défaire d'une bête lui grignotant le bras. Et tous ces "HELP !" criés régulièrement par les personnages, et qui ne proviennent pas d'un script mais de leurs tripes... SURRÉALISTE !
La page Wikipedia nous apprendra qu'il s'agit de l'un des tournages les plus longs et les plus accidentés de l'histoire... 6 ans et des dizaines de blessures, parfois sérieuses, pour réaliser cet OFNI qui semble être un des films les plus fous de l'Histoire. Car il faut être dément pour persévérer si longtemps dans de telles conditions, et pour un tel résultat !
On ne comprend pas bien quelles étaient les intentions de la famille Marshall. Un remake des Oiseaux (déjà avec Tippi Hedren) version brousse ? Un plaidoyer pour la vie sauvage contre le braconnage comme le montre cette fin idyllique et qui sonne tellement faux après 1h30 de calvaire ? L'histoire semble changer plusieurs fois de direction au cours du film, comme pour tenter de suivre le rythme imposé par les imprévisibles félins.
Reste que le film offre une magnifique vision des fauves sauvages. Impressionnants et terrifiants, ils sont les scénaristes de Roar. L'esprit humain ne peut leur résister : ils font la loi et dictent le film. En cela, on peut dire que Roar est le premier film de l'Histoire du cinéma tourné PAR des animaux. Un survival horror en conditions réelles, peut-être le meilleur jamais réalisé car le plus involontairement réaliste et authentique.