Sans déconner, l’idée même de vouloir refaire Robocop tient ou du suicide artistique ou de la connerie absolue. Robocop est parfait. Voilà.
C’est de la science-fiction haut de gamme, un pamphlet cynique d’une virulence rare sur l’Amérique fascisante, un drame d’androïde, une comédie hilarante et un film d’action sans temps mort. Le tout en une heure et demie. Gosh. La résurrection christique de l’agent Alex Murphy en Robocop est le prétexte en or pour ridiculiser la société, le capitalisme, la police, la technologie, la publicité, les journalistes, avec une délectation de fin gourmet.
Dans Robocop, on cherche à construire un flic cybernétique parfait, incapable de la moindre bavure et ultra efficace dans la protection civile – ou plutôt le massacre de délinquants. Mais tout cela n’a qu’un but lucratif, Bob Morton, le petit génie concepteur du robot flic (joué par l’excellent Miguel Ferrer, inoubliable dans Twin Peaks) pense plus à sa carrière qu’à… Quoi donc, la sécurité ? La paix sociale ? Des trucs qui n’existent que dans la tête des intellos homosexuels et des hippies. Mais Dick Jones, son supérieur (Ronnie Cox, again) voit d’un très mauvais œil d’être doublé par un petit branleur aux dents longues comme Morton. D’autant plus qu’il a lui-même conçu un super flic électronique, l’ED209, mais le machin déconne grave. A côté de ça, Robocop, immergé dans une quête sécuritaire digne de Charles Bronson, est en proie à ses faiblesses d’ancien humain, ses doutes, ses sentiments (très juste réplique lorsque l’androïde évoque sa famille « je peux les ressentir, mais je ne m’en souviens pas »). Aidé par une ancienne collègue flic, Lewis (Nancy Allen), il se lance à la recherche de son ancienne identité et suit les traces d’un odieux caïd, Clarence Boddicker (Kurtwood Smith, immense), et accessoirement l’un des méchants les plus terrifiants et sadiques qu’on ait vu au cinéma.
Intrigue foisonnante et riche au sein d’un film finalement très court, le scénario de Robocop est un modèle du genre, brassant mille thèmes sans jamais sembler en bâcler un seul, sans jamais se perdre. Satire saignante de l’arrivisme typique 80’s, le film est drôle, très drôle et très méchant quand il s’agit de dépeindre ses personnages qui rappellent le Wall Street d’Oliver Stone. Même si certains ont peu de temps de présence à l’écran, Verhoeven les esquisse d’une main de maître, et le moindre de leurs traits semble évoquer leur histoire antérieure. Psychologie des personnages au top. Aimant se moquer du monde, le film détourne les codes pour mieux surprendre le spectateur qui n’a pas fini d’halluciner devant tant de malice. Ainsi, la mise en abîme de l’ED209 dépeint un boss final inévitable, monstre d’acier invincible. Au final, il ne sera même pas foutu de descendre des escaliers correctement. Vaine technologie. Mais le film saura aussi se montrer émouvant, à travers la quête d’identité d’Alex Murphy dont l’excellente interprétation de Peter Wellers laisse entrevoir la délicate humanité derrière le regard de machine.
Robocop est une fausse séries b qu’il faut regarder avec attention. Décrypter son humour conceptuel et sa grande intelligence n’est pas évident, mais une fois la barrière esthétique bourrine dépassée, on s’aperçoit vite qu’on a affaire à un brûlot iconoclaste et anticonformiste unique en son genre.