Dire que Paul Verhoeven était peu enthousiaste à l’idée d’adapter Robocop n’a rien d’un euphémisme. Il a carrément piétiné le script en le recevant dans son courrier, mais sa femme l’a récupéré et l’a relancé dans cette voie, donnant naissance au projet que nous connaissons aujourd’hui. Robocop, est tout simplement l’un des films de SF les plus parfaits qui aient jamais été faits. Subversif, connaissant différents niveaux de lecture et d’ne richesse thématique qui frise le géni, Paul Verhoeven fait preuve d’un incroyable talent en adaptant avec autant de finesse déguisée le personnage de l’homme de fer œuvrant dans les rangs de la Police. Premier choix purement jouissif : Peter Weller dans le rôle de l’agent Murphy, un habitué de séries B hautement sympathiques qui n’a jamais connu de carrière à l’égal de son charisme. Et pour commencer, Robocop est en concurrence avec une machine pure et simple, loin d’être en état de fonctionnement (la scène hilarante et gorissime de la démonstration en réunion. « C’est une anicroche ! »), mais pouvant rapporter dans tous les cas beaucoup d’argent à Richard Jones, le concepteur du projet, un industriel véreux et habitué à détenir le pouvoir. Cependant, Verhoeven est loin de vanter son concurrent et promoteur du projet Robocop : un jeune Yuppie sûr de lui qui veut tirer la couverture à lui seul. Alors que ces querelles de pouvoir ont lieu, l’agent Murphy, présélectionné comme candidat potentiel au projet Robocop, est envoyé à la mort, et meurt exécuté d’une manière ultra violente, vivant une sorte de Passion christique qu’il n’a jamais souhaitée. Déclaré légalement mort, la science dispose de son corps à son bon plaisir (l’amputation complète du reste de ses membres) et le reprogramme pour en faire une machine. Mais Paul a la finesse de d’abord montrer sa créature comme un pur robot, avant de ressusciter son humanité par petite dose, notamment des flashs back sur sa vie de famille et les gangsters qui l’ont assassiné. Car Robocop est aussi un film de vengeance post mortem, qui pose ainsi une ambigüité intéressante : peut-on se venger et appliquer la loi en même temps. Le script malin conserve de bons ressorts qui s’actionnent aux moments adéquats (la directive 4), qui paraissent être de grosses ficelles alors qu’elles s’actionnent merveilleusement au cœur d’un script beaucoup plus abouti que sa facture de série B le laisserait voir. Les multiples flashs infos ou illustrations de la télévision de l’époque (« J’en prendrai pour un dollar ! »), d’un degré de débilité revendiquée pointent déjà du doigts les faiblesses de la société qui en deviennent carrément évidente : l’appât du gain et l’attrait de la criminalité par difficulté pour s’en sortir honnêtement (contexte de crise économique, projet de relance par création de pôle d’activité…). Pamphlet sociétaire doublé de scènes d’action jouissives (déchets toxiques dangereux, canon surdimensionné, port USB meurtrier, Paul ne néglige jamais le spectacle au premier degré qu’on réclamait, et en fait bien plus avec ses thématiques passionnantes qu’il manipule avec une totale maîtrise de son sujet. Un réalisateur talentueux comme ça, c’est vraiment rare.
Voracinéphile

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