Des choses gentilles à dire sur ce film :
Blockbuster over the top, Enthiran est l’application plus ou moins adroite d’une recette (ou de recettes puisqu’on y trouve pêle-mêle les codes de l’actionner basique autant que certains traits propres au film familial ou à la comédie romantique) mais avec un supplément d’action décomplexée et d’âme, quand-même, aussi. Shankar s’en donne à cœur joie autant dans les scènes les plus légères que dans le spectacle pur, les unes donnant plus de profondeur à l’autre, voire l’introduisant ou lui donnant naissance. Le défouloir de la seconde partie du film étant amené et légitimé par les sentiments développés dans la première.
Pour faire simple, Enthiran s’attache au parcours d’un robot, Chitty (Rajinikanth), qui, dans sa quête (plus ou moins programmée) d’humanité, va s’attirer les foudres de son créateur (Rajinikanth toujours), jaloux, entre autres, de l’intérêt que va lui porter sa femme (Aishwarya Rai Bachchan). Ça pourrait être une comédie française dans laquelle Didier Bourdon finit par couper le zob de Pef (si vous n’avez toujours pas vu L’homme parfait, jetez-vous dessus dès que possible), Shankar en fait, malgré quelques maladresses (ou défauts pleinement assumés), un film assez touchant. Parce qu’entre deux scènes complètement what the fuck, il prend le temps d’amener tout ça, d’introduire chaque évolution du robot, de poser les errances de son créateur et le monde dans lequel il progresse (eh oui, les scientifiques sans vergogne et le spectre d’une utilisation martiale n’est pas loin)... Et puis, on sent aussi une sensibilité proche de celle qu’on trouve dans le mythe de Frankenstein.
Niveau what the fuck, justement, on ne peut pas dire, Shankar (bien épaulé par un Rajinikanth à fond dans son double rôle) met la dose, que ce soit lorsque Chitty ingère le savoir contenu dans des revues et un annuaire entier chez le coiffeur d’un mouvement de poignet stoïque ou qu’il mette la misère à des petites frappes en leur perçant les tympans ou en baissant leur froc ; qu’il se prépare à un rendez-vous en switchant de coiffure ou qu’il rattrape un train sur ces roulettes intégrées (en prenant bien soin d’éviter la vache imprudente qui s’est aventurée sur les rails) ; qu’il traque un moustique et le contraigne à présenter ses excuses à sa dulcinée qu’il a piquée (oui, oui - meilleure scène du film) ou qu’il dézingue du flic une centaine de flingues (au moins) entre les mains ou démultiplié façon Agent Smith et aggloméré en sphère ou en serpent géant. Le résultat est spectaculaire autant que kitsch... quand il n’est pas tout simplement ridicule (ah là là cette scène avec les moustiques).
Toutefois, l’enthousiasme du réalisateur et de l’acteur principal sont telles qu’on accepte sans problème la débauche hollywoodienne d’images de synthèse qui, sans être forcément indécentes en général, sont parfois perturbantes (les scènes avec un jeune enfant ou un bébé notamment) ou le stylé à lunettes noires hérité de Terminator, devenu caricatural depuis (ici magnifié par des plans en vue subjective où les lunettes donnent l’impression de flotter dans les airs), mais aussi les sorties purement culturelles qui peuvent refroidir un public non-habitué, à savoir les passages chantés et dansés (dont une chanson dont le refrain martèle Kilimandjaro sur des images du Machu Picchu).
Assez long, assez foutraque aussi, Enthiran est un blockbuster noble dans la mesure où il réussit à agglomérer plusieurs facettes, plusieurs héritages, en donnant au spectateur ce qu’il veut sans mépris ostensible : en fait Shankar semble s’émerveiller autant qu’il cherche à émerveiller... Si bien que derrière toutes les bouffées délirantes dont regorge le film, on trouve une bonne dose d’amour du cinéma.
Jouez au bingo des clichés avec ce film (101 ingrédients)
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Personnage > Agissement
Chute dans le vide en criant « Aaaaaah ! » - Bagarre | Envoie du sable dans les yeux - Bagarre | Fracasse une bouteille sur le crâne d’un type - Bagarre | Coup dans les couilles (ouch !) - Compte jusqu’à trois (ou cinq) - Course-poursuite | Défonce volontairement un portail avec son véhicule - Enlève ses lunettes | avant de parler - Interprétation | Rit de manière forcée - N’importe quoi | Projeté exagérément loin sous l’effet d’un coup de feu... voire d’un simple choc - Passion | Fait preuve de jalousie ou de rivalité masculine - Ruse | Accède ou ressort des égouts en soulevant discretos une grosse plaque en fonte du bout des doigts - Se regarde dans un miroir | Maquillage, nœud de cravate, etc. - Se tamponne/s’éponge le front avec un mouchoir après une grosse frayeur - Séduit un personnage présenté comme moche pour rendre son mec/sa meuf jaloux - Stylé | Attrape une mouche/moustique à mains nues - Stylé | Balance une petite phrase avant de tuer une personne (ou après) - Stylé | Se gare pile devant la porte du bâtiment à visiter - Tension | Tape du poing sur la table pour passer sa colère
Personnage > Caractéristique
Blues | Sa femme, sa fille sa mère ou sa sœur est morte - Interprétation | En fait des caisses - Loose | S’évanouit exagérément - Super pouvoir | Il/elle sait tout faire - Tension | Maniaque de la gâchette - Vie personnelle | Famille ou boulot : priorise son boulot plutôt que sa famille - Vie personnelle | Problèmes familiaux/de couple
Personnage > Citation
Menace | « Vous me le paierez ! » / « Je te tuerai ! »... - S’inquiète | « Oh mon dieu ! »
Personnage > Héros ou héroïne
Fibre héroïque | Sauve une femme en détresse, ou un enfant inconscient - Passion | Demande en mariage chevaleresque
Personnage > Méchant·e
Mégalo | Mwahahahaha ! (rire théâtral) - Mort | Stupide - Tension | Cri de rage ou de dépit - Tous pourri·es | Policier·es corrompu·es
Personnage secondaire
Collègue lourdingue - Meute compacte de journalistes - Milice (pouet-pouet) du/de la méchant·e - Petits voyous Disney Channel - Sbire austère en costard et lunettes noires
Réalisation
Caméra secouée pour marquer l’intensité d’une engueulade ou d’une réponse vive - Course poursuite | Gros plan du pied sur la pédale d’accélération ou de freins - Course-poursuite | Le fameux camion qui arrive en face - Course-poursuite | Véhicules (de police) en surnombre qui prennent toute la largeur de la voie - Fin | Plan grue/hélico qui s’éloigne en montant - Grammaire | Emploi répété d’accélérés / Alternance d’accélérés et de ralentis - Grammaire | Passage musical - Grammaire | Ralentis injustifiés et insupportables - Habillage | Placement de produits - Média | Point de situation par un reportage télé, radio ou presse écrite - Mise en scène | Regard incrédule - Objectif de la caméra éclaboussé par une gerbe de sang - Tension | Un poing sort des gravats - Tombe à genoux de manière théâtrale (et au ralenti) après un moment éprouvant - Vision subjective | Robot - Woosh | Mise en scène
Réalisation > Accessoire et compagnie
Intelligence artificielle (de vaisseau) | a une voix robotique - Intelligence artificielle de vaisseau/voix de haut-parleur : commente tout ce qui se passe/repète les consignes/diffuse un message informatif - N’importe quoi | Explosion injustifiée - Stylé | Un flingue dans chaque main - Stylé | Valise pleine de billets
Réalisation > Audio
Bruit incongru d’objet - Ambiance sonore | Concert de klaxon pendant un embouteillage - Bruit exagéré | Bruit métallique injustifié - Bruit exagéré | Coups donnés lors d’un combat au corps-à-corps - Bruit exagéré | Flingues chargés et chiens armés - Chanson | Chanson extradiégétique à la gloire du héros pendant des scènes-clé - Course-poursuite | Effet Doppler - Effet | Cri de Wilhelm - Effet | Lasers qui font « piou-piou », touches d’ordinateurs qui font « pi-pou-pou » etc. - Musique | Classique - Woosh | mouvement / acrobaties
Réalisation > Surprise !
Fauché par un véhicule de manière inattendue - Tension | Le tueur, l’adversaire ou la bestiole était caché·e sur la banquette arrière - Tension | Menace qui apparaît dans le dos d’un personnage
Scénario > Blague, gag et quiproquo
« Wahouyiaaa » exagéré de karaté (gag) - Accéléré (gag) - Calembour - Gag avec la police - Gag cartoonesque - Gag cartoonesque | Humilie un méchant en baissant son pantalon volontairement ou non - Karma | se fait mal en frappant quelque chose sous le coup de la colère - Robot qui prend les expressions au premier degré - Se retrouve nu·e, en serviette ou en slip dans un endroit public - Son perçant qui explose un truc verre - Triche de manière à la fois ingénieuse et grossière
Scénario > Dialogue
Foule en délire - Philosophie ou psychologie de comptoir
Scénario > Élément
Rend des lettres et des cadeaux de Saint Valentin après une dispute - Tension | accouchement qui s’annonce mal - Ultimatum de PDG ou autre figure d’autorité
Scénario > Ficelle scénaristique
Infiltration | Enfile la tenue d’un·e méchant·e - La chatte à Maurice (ou anti-chatte à Mireille) - La chatte à Mireille
Scénario > Situation
Agissement | Se recueille sur une tombe
Thème > N’importe quoi
Carton-pâte | Le regard des personnages ne porte pas au-delà du champ de la caméra - Scientifiquement non prouvé | Physique des matériaux soumise à rude épreuve - Trop con·ne | Ces gens font des trucs complètement con
Thème > Sexisme hostile à l’égard des femmes
Image dégradante | Tombe en pâmoison devant un bijou - Violence sexuelle | Retient/tire une femme par le bras, contre son gré
Thème > Testostérone
Bagarre | Fait voler ses geôliers/ses assaillants dans les airs en écartant brusquement les bras - Bagarre | Un seul bras pour les assommer toustes - Stylé | Bloque un coup de poing
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Barème de notation :
- 1. À gerber
- 2. Déplaisir extrême et très limite sur les idées véhiculées
- 3. On s'est fait grave chier
- 4. On s'est fait chier mais quelques petits trucs sympas par-ci par-là
- 5. Bof, bof ; pas la honte mais je ne le reverrais jamais ; y'a des bons trucs mais ça ne suffit pas
- 6. J'ai aimé des trucs mais ça reste inégal ; je pourrais le revoir en me forçant un peu
- 7. J'ai passé un bon moment ; je peux le revoir sans problème
- 8. J'ai beaucoup aimé ; je peux le revoir sans problème
- 9. Gros gros plaisir de ciné
- 10. Je ne m'en lasserais jamais