Robot Chicken : Star Wars par cinematraque
Robot Chicken est une série iconoclaste. Il est même difficile d’appliquer à cet objet télévisuel le qualificatif de série. Si, de saison en saison, on retrouve des personnages récurrents, le récit en lui-même tient du non-sens, et se résume au concept suivant : suite à un accident de la route, un poulet est transformé en robot par un scientifique fou. Par sadisme, ce dernier attache la pauvre bête à une chaise électrique et l’oblige à regarder la télévision. Devant elle s’étalent des centaines d’écrans où se déroulent une multitude de programmes.
L’idée est alors, pour les créateurs de Robot Chicken, de mettre les spectateurs dans la peau du poulet décervelé et robotisé. Pendant 20 minutes, nous assistons à un zapping incessant sur des publicités, des bouts de séries télévisées, de films à grands spectacles, de journaux télévisés ou de breaking news en direct de massacres de masse, ainsi que des reality shows plus obscènes les uns que les autres. Au travers ce déchaînement d’images, c’est l’Amérique qui nous est montrée dans ce qu’elle a de plus violent, de plus raciste, de plus cynique et de plus antisémite. L’oeuvre de Seth Green (Oui, le fameux Oz de Buffy contre les vampires) et Matthew Senreich pourrait se rapprocher des poses radicales de South Park, avec peut-être un peu plus d’infanticides.
Il y a chez eux un véritable plaisir à faire exploser le fantasme d’une enfance douce et naïve. Ce qu’imaginent ces deux artistes n’est pourtant pas très éloigné des jeux d’enfants : on y voit ainsi Barbie se faire décapiter, Ken forcé de faire des galipettes avec Musclor, ou encore Skeletor devenir un affectueux baby-sitter. Ce qui fait en partie le sel de ce programme télévisuel est qu’il donne vie à toutes les figurines qui ont bercé notre enfance, nous les trentenaires, dans un univers ultra violent. On pourrait croire la chose impossible dans un pays aussi puritain que les États-Unis: bien au contraire, c’est le paradoxe du capitalisme américain d’accepter d’être aussi radicalement et violemment caricaturé. Lorsqu’il s’agit de jouets ou d’argent, tout est permis. A travers les actes sociopathes de G.I Joe, s’exprime une angoisse réelle vis-à-vis d’une société matérialiste et, de plus en plus, militariste. Mais plutôt que de jouer sur la peur, Seth Green choisit de nous faire rire. Il hérite en fait de l’esprit sarcastique que l’on trouve dans les films de Paul Verhoeven, tout en utilisant les pulsions violentes des enfants qu’on retrouve chez Tim Burton. Bref, encore plus que South Park, Robot Chicken apporte à l’univers du dessin animé un esprit punk très rafraîchissant. Diffusé évidemment sur MTV (vitrine du spectaculaire retourné et du teen spirit) Robot Chicken se devait de rendre hommage à l’esprit qui lui a donné corps : celui de Georges Lucas.
En détournant les produits issus du merchandising de Lucas Film, Seth Green prolonge le discours anti-impérialiste et anarchisant qui se cache derrière la Saga commerciale Star Wars. Car, en inondant les chambres enfantines de personnage Star Wars, Georges Lucas a obtenu la liberté artistique qu’il désirait tout en offrant à ses fans un moyen de participer à la construction d’une mythologie. Il est donc tout naturel que Robot Chicken rende aujourd’hui hommage à la saga de Georges Lucas, sous la forme d’une parodie. Moins acides que le reste de la série, les trois épisodes que l’on trouve aujourd’hui en DVD n’en restent pas moins tout aussi drôles. Un excellent moyen de rentrer dans l’esprit tordu des créateurs, en offrant une version politiquement plus sage, et plus geek de la série. Mais si vous vous posiez des questions sur les relations incestueuses entre Luke Skywalker et la Princesse Leia, ou sur la passion amoureuse liant Anakin Skywalker avec l’Empereur Palpatine, vous en aurez pour votre argent. Un achat qu’on vous conseillera pour les fêtes de fin d’années.
On peut par contre se poser des questions sur l’emballage, le contenu du coffret DVD étant assez pauvre. Si on trouve deux ou trois bonus dans l’esprit corrosif de Robot Chicken, l’ensemble parait bien paresseux. En premier lieu, Seth Green qui nous apparaît comme on l’imagine : un glandeur préférant montrer l’image d’un cancre, plutôt que celle d’un artiste. Son compère et lui fabriquent la légende d’être les employés les plus heureux du monde qui s’amusent plutôt qu’ils ne travaillent. Autant sur le fond que sur la forme, la plupart des bonus n’ont pas vraiment d’intérêt. Dommage. Mais tout ça, après tout, n’est qu’un jeu d’enfant turbulent.