Porco Rocco
« Rocco » est de ces films curieux, qui fascinent malgré leurs imperfections, parce qu’ils sont parvenus à capturer l’essence de quelque chose d’important, et de vrai. Vendu comme le portrait...
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le 7 déc. 2016
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Comme me disait un ami récemment, avec sa franche narquoiserie habituelle, ce film traite non pas du Porno mais de la pathétique relation que Rocco entretient avec son cousin... La relation, en effet, entre les deux hommes participe d'une drôle de farce dans ce biopic assez surréaliste. Je propose ici une lecture qui se détache de l'image, de ce qui se veut spectaculaire, pour aborder ce qui se trame entre les scènes, des bribes d'histoire, des anecdotes et qui participent à fabriquer pour le spectateur une explication du parcours phénoménal de cet homme. Au-delà d'un apitoiement ou d'une tentative d'excuser la bête auquel on pourrait s'attendre à partir de ce type d'approche, j'espère retranscrire ce qui, dans le champ de notre responsabilité d'être au monde, n'a pas fonctionné chez lui. La confession publique que constitue ce documentaire en dit long sur l'espoir d'une porte de sortie. Sortie improbable selon moi, au pays de l'impunité.
Quasi-mythologique, entre animal et humain, Rocco représente, car il est devenu célèbre, l'échec d'une civilisation qui se voudrait moderne au sens noble du terme. Alors, sans plus m'étendre en considérations généralistes, je me propose de suivre le fil qui mènera à une reconstitution de la possible épopée psycho-pathologique à travers laquelle s'est construit notre personnage.
De fait, dans le film, on note un ensemble de confidences et de souvenirs ayant trait à son enfance et à son adolescence. Ce matériel est peut être au service d'une justification de sa part comme je disais plus haut, d'un rachat, il n'en reste pas moins un ensemble d'indications pertinentes et révélatrices. Ainsi on nous promet, dès la bande-annonce, de nous dévoiler la part d'ombre de l'étalon, dans une piètre tentative d'humanisation de l'animal-machine dont on présente d'abord les attributs génitaux avant le visage, comme s'il avait fallu s'agenouiller devant le phallus-roi avant de pouvoir le scruter et l'apprécier dans son ensemble. L'attrait certain pour ses talents hors-normes a fasciné des générations d'adolescents, entre autres, et s'explique certainement par la recherche de maîtrise du corps, du sexe et des pulsions qui viennent s'en mêler à cet âge là, jusqu'à constituer un modèle identificatoire bien phallique pour les plus démunis à l'âge où ça déferle dans les cavernes. Et démuni d'ailleurs, Rocco l'a apparemment été enfant. Suite au décès de son frère, il révèle combien sa mère était meurtrie, instable et surtout attaquante envers le corps de son fils. Dévorante même. Je me souviens de cette histoire de morsure au bras terrorisante pour l'enfant qu'il fut et qui nous laisse deviner l'atteinte plus précoce encore à son corps de nourrisson... On n'en saura pas plus dans le documentaire, libre au spectateur de l'envisager.
On bascule ensuite dans l'adolescence avec le souvenir du balcon, lorsque sa mère le surprend la main sur la tige (Et quelle tige ! Elle le sait mieux que quiconque) et qui organise la suite de son évolution. Le regard de sa mère, son indescriptible sourire dont il se souvient encore, rendent terriblement intime le lien qui les unit. Au regard des précédents souvenirs, on subodore là, la poursuite d'une emprise maternelle qui menace l'intégrité psychique de ce garçon. Son destin pulsionnel, sa carrière qu'on connaît, nous met déjà sur la voie. Enfin, et c'est en lisant la critique de rem_coconuts que ça m'a sauté aux yeux et qu'a pris sens le souvenir de ce "quasi-viol bucco-génital de l'amie octogénaire de sa défunte mère" pour reprendre les termes de notre critique, étonnante "étreinte" si l'on peut dire avec l'amie de sa mère donc, peu après le décès de celle-ci. C'est un passage à l'acte déterminant qui apparaît en tant que la réalisation inconsciente du désir de dominer, de prendre le dessus sur cette mère qui l'aura bouffé jusqu'au bout. Et là, je pèse mes mots. La lui faire bouffer en retour, (la pauvre femme, par contre, était là au mauvais moment mais qui sait les liens entre toutes ces personnes) et alors voilà l'ambition ultime qui a pu émerger une fois la mort physique de sa mère survenue et qu'il a poursuivi sa carrière durant... La faire bouffer aux femmes. Une tentative irrépressible de se maintenir en vie psychiquement et de lutter de toutes ses forces contre toute la destructivité et l'envahissement toujours actifs et générés par ce lien toxique à la mère.
L'impunité avec laquelle il a voyagé dans le monde, le sadisme avec lequel il a humilié de nombreuses femmes (et pas forcément des actrices, voir dans la presse), ainsi que la détermination avec laquelle il a construit sa renommée dans ce milieu et au-delà, n'a jamais réellement pu apaiser le mal qui l'anime depuis son enfance. D'ailleurs, la retraite qu'il prend après le documentaire risque d'être compliquée s'il ne se dispose pas à se soigner. Le profil suicidaire de cet homme, évoqué par lui-même dans le film, n'est que la partie immergée de l'iceberg et la vulnérabilité qui dort en coulisses, sous les défenses massives qui se sont installées tout au long de sa vie, risque d'être un obstacle majeur dans une reconversion qu'on imagine tant souhaitée et idéalisée par lui. Le travail qu'il entreprend avec cette actrice sur la fin montre qu'il n'est pas dupe de certaines choses, qu'il cherche à se rapprocher de cet enjeu intérieur qui le ronge, notamment au contact de ses enfants. Lorsqu'il questionne d'autres actrices en présence sur leur motivation profonde, il se heurte bien évidemment à leur silence car d'aucun ne souhaite répondre à ça et dévoiler les blessures et les ravages antérieurs qui ont animé pour la plupart cette vocation.
Créée
le 29 sept. 2017
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