Après au bas mot 4000 ans de machisme, il va falloir à peu près la même durée pour faire l'inventaire de tous les domaines où les femmes ont été délibérément invisibilisées. Ce documentaire s'attache aux pionnières du rock, des guitaristes surdouées qui balançaient sévère, en talons hauts et robes à volants. Autant dire que le cuir de Joan Jett en prend un coup dans les gencives. Des mammas joufflues ou des blondinettes à anglaises ont, avant Elvis, déboîté leurs articulations et incendié le manche de leur guitare, avec un flegme tout collet monté, mais n'empêche, la flamme était déjà là et elles subvertissaient gravement un ordre social amidonné qui avait fait son temps. Des décennies plus tard, celles qui restent sont au moins septuagénaires et continuent à tourner dans des salles plutôt réduites, mais elles gardent le feu sacré, se maquillent outrageusement et malmènent leurs instrument avec un brio indiscutable. Une épopée sous-marine étonnante, donc, comme si on regardait une parodie des clips des idoles des 60's où soudainement les protagonistes auraient été remplacés par des débutantes prêtes pour le premier bal de leur vie. Sauf que cette impression est une construction sociale et que ce sont elles, ces femmes courageuses qui ont sacrifié énormément de choses à leur art, qui ont ouvert la voie à ces garçons dans le vent qui ont cassé la baraque à leur suite. Tandis qu'elles se contentaient de ramasser quelques miettes. Il était temps de leur rendre hommage, dirait-on...