La politique des auteurs chère à la France prend un tour malicieusement marketing pour la promo de ce nouveau biopic de la pop music, après le succès du désastreux Bohemian Rhapsody : pour les enjoués, on dira qu’il est réalisé par Dexter Fletcher, celui qui a récupéré ce film sur Queen et le sauvant du gouffre auquel l’aurait condamné Bryan Singer. Pour les rageux, qu’il a eu carte blanche et nous fera cette fois un authentique film sur la vérité vraie sans concession, et donc vachement bien.


Programme respecté, puisque notre star éponyme entre donc en scène pour une séance de thérapie en intro de laquelle elle va se déclarer addict à à peu près tout ce que la terre a produit de répréhensible, et gay, et donc une merde humaine.


Ce sommet d’humilité mettra donc le spectateur dans les meilleures dispositions à l’égard d’un personnage dont on va faire tomber le masque (si si, regardez bien cet accoutrement baroque qui se dépouille à mesure que le film avance, quelle symbolique, n’est-il- pas ?) et sonder les traumas à l’origine de son génie, tout comme les conséquences funestes de l’hybris d’une vie de vedette.
Rocketman, c’est la thérapie pour les nuls, avec sa cohorte de petites blessures qui caresseront la curiosité du fan dans le sens du poil, enfilant tous les poncifs imaginables sur le petit enfant qui sommeille encore en chacun de nous et qui pleure au fond de son âme (hideusement signifiée ici au grè d’une séquence d’apnée au cours de laquelle Elton se voit enfant, au fond de la piscine, chanter en scaphandre, et qui donne envie d’expérimenter les acides plutôt par soi-même que de vivre ceux imaginés par un animateur CGI de la Silicon Valley).


Alors oui, si l’on met en sommeil sa mauvaise foi hargneuse pendant quelques minutes, il faut bien reconnaitre que le film est amplement meilleur que le BR de sinistre mémoire. Grâce, notamment, à un recours assumé à la comédie musicale dans quelques séquences assez chatoyantes qui jouent de la couleur et des foules avec une dynamique plutôt bien gérée. Mais c’est à peu près tout ce qu’on aura sur un film pourtant dédié à la musique, et qui aligne un best of (oui oui, storytelling, chanté par Taron Egerton, alors hein) sans jamais s’intéresser à sa place dans l’histoire de la pop, la progression de sa carrière, la spécificité d’Elton John par rapport à ses congénères ou la genèse des chansons, toujours aussi magique : un ralenti quand on me file des paroles, trois notes sur un piano et on enchaine sur les coupures de journaux qui hurlent ma gloire.


Paradoxe devenu un cliché, le biopic d’un personnage hors-norme évoque toujours les ravages des excès tout en se ramassant lui-même la gueule en pratiquant la surenchère constante. Le film n’échappe pas à la règle, où les lévitations du public, les partouzes façon Broadway, les travellings à 360° pour nous décliner les archives d’Il est fou Afflelou ou le décollage du rocketman sur fond de nuage atomique rougissent autant nos yeux que celui du cocaïnomane à l’écran.


Mais qu’on se rassure : le clown triste pourra faire un hug à son moi enfant qui lui redira son vrai prénom (authentique, je conseille à tout le monde, ça a l’air de faire son petit effet), et donc, back in town, sobriety, I’m still standing, et générique de fin qui te montre qu’Elton John a donné 450 millions de $ contre le Sida, qu’il est sobre depuis 28 ans, marié à un homme et père de deux enfants qu’il chérit comme ne l’a pas fait son propre père, et qu’il est producteur exécutif de cette thérapie lucrative et hagiographique.


Sinon, il y a Honky Chateau et Goodbye Yellow Brick Road. Ce sont des albums, il n’y a pas d’images, mais c’est sublime.

Sergent_Pepper
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le 30 mai 2019

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Sergent_Pepper

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