Quelques mois seulement après Bohemian Rhapsody et le hiatus qu'il a engendré, voici donc aujourd'hui le film frère, nouvelle hagiographie musicale, nouvelle mode d'un même réalisateur, Dexter Fletcher, débarrassé ici de sa rime encombrante devenue insortable en public.


« Même » sera utilisé plusieurs fois au cours de cet avis. Essayons donc de les concentrer immédiatement pour évacuer l'exercice en forme de passage obligé : même effet juke box revigorant par la puissance du répertoire, même structure plutôt linéaire, mêmes traumas, mêmes motifs, mêmes petits aléas rythmiques et mêmes figures gravitant autour de la star : famille matricielle, isolement, même producteur, même ami qui prendra ses distances, même figure démoniaque du manager entraînant l'artiste dans les excès et addictions.


Si vous vous déplaciez voir Rocketman en quête de nouveauté, sans doute chanterez-vous un refrain du genre « Remboursez ! » à la sortie de la séance. Car l'ensemble des schémas pré établis du genre seront convoqués. Sans pour autant ennuyer. Car portés par la personnalité de sa figure de proue, son talent et son décalage, mis en exergue par la reconstitution de son époque assez pêchue, il faut l'avouer.


La chanteur se montrera même touchant par instant, surtout dans son (absence de) rapports avec ses père et mère, entre montre de froideur et inconséquence juvénile. L'empathie jouera à plein sur certaines réflexions je m'en foutiste d'une Bryce Dallas Howard changée en rombière, ou devant la distance effroyable d'une paternité égoïste et glaçante. La détresse d'Elton et le vide qui l'habite ne sont jamais mieux illustrés que dans ces moments là, où lorsque Dexter Fletcher et son scénariste lâchent enfin la bride de leur imagination. Sont portées dès lors à l'écran une paire de scènes contenant l'essence même de ce qu'aurait dû être Rocketman. Soit une séquence de noyade, portée par la chanson éponyme, ou une lente dérive orgiaque illustrée par Benny & the Jets qui ne s'embarrassent plus des mots et font passer l'abandon par le seul vecteur de l'image.


Sauf que cela concerne seulement quelques passages. Le reste du film, s'il est loin d'être désagréable à suivre, se montrera beaucoup plus sage dans son évocation de l'icône, presque toujours scolaire et jamais affranchi de l'ensemble des figures imposées du genre.


Ainsi, tout aussi intéressant, tonique ou dramatique puisse-t-il se présenter, Rocketman est dénué de la parcelle de folie faisant tout le sel du chanteur star, se limitant souvent à émuler ses extravagances vestimentaires ou optiques.


D'autant plus que, parfois, Rocketman se montre très platement insistant et démonstratifs sur certains de ces aspects, du genre manifestation des traumas de jeunesse du chanteur, portrait en surbrillance du regretté John Lennon pour explique le choix du nom de scène, entre autres légèretés parfois éléphantesques.


Tout comme la position de victime dans laquelle Rocketman installe sa star, signe que le film, plutôt efficace au demeurant, demeure un véhicule qui n'égratignera jamais réellement sa star, comme en témoignent les fonctions de producteurs d'Elton et de son compagnon.


Evocation expresse d'une carrière en forme d'ascension fulgurante, Rocketman divertit sans pour autant creuser, comme beaucoup d'oeuvres du genre malheureusement, l'acte créatif de l'artiste, défini beaucoup plus par ses hauts et ses (très) bas que par ce qui l'anime réellement et le transporte.


Sympathique, divertissant, accrocheur, mais d'un classicisme et d'une sagesse de dame patronnesse, Rocketman peine cependant à rendre pleinement justice à l'excentricité d'un Elton John perpétuant, finalement, l'importance de son star system.


Behind_the_Mask, ordinary decent musical.

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