Utilisant le tissu des quartiers populaires londoniens, Sarah Gavron explore diverses trames narratives ; l’adelphité, l’éducation scolaire genrée, la parentalité, les différents milieux sociaux, autant de pistes qui servent au propos central du film : l’amitié, loyale et solidaire. Alors que Rocks, remarquablement interprétée par Bukky Bakray, se prépare pour sa rentrée des classes, l’excitation de retrouver ses copines s’évanouit lorsqu’elle découvre que sa mère a déserté le domicile sans plus d’information qu’une courte lettre et un peu d’argent. L’adolescente est livrée à elle-même, devant endosser le rôle de mère pour son petit frère Emmanuel. Cherchant à échapper aux services sociaux, elle vagabonde de maisons en hôtel, expérience douloureuse et compliquée qui écorche son innocence. C’est à travers cette épreuve que la réalisatrice ausculte avec finesse et impartialité les différences socio-culturelles : alors qu’ils se réfugient chez la meilleure amie de Rocks Sumaya, vivant dans une famille somalienne musulmane, cette dernière lui conseille de parler de sa situation à un adulte, en vain. Lorsqu’elle finit chez sa camarade Agnes, issue d’une famille blanche traditionnelle, Rocks entend le même discours mais n’est toujours pas prête à faire face aux services sociaux. Sauf que cette fois, son amie préviendra ses parents. Avec ces subtiles variations, la réalisatrice décortique l’éducation parentale au sein de laquelle les valeurs inculquées divergent selon la culture. Tout comme elle souligne comment l’appartenance à un groupe d’adolescentes se fait de manière différente selon son identité, que ça soit à l’école, à travers le maquillage, sur les réseaux sociaux, mais dont le cœur de cette amitié demeure dans le pardon et la solidarité. Avec Rocks, Sarah Gavron signe un film où se côtoient joie et tristesse au plus près de la réalité, notamment par le biais de scènes caméra à l’épaule et un casting brillant. Une ode à la sororité et la diversité, sur tapisserie d’un Hackney londonien multiculturel qui révèle des héroïnes que trop peu souvent portées à l'écran.