Chiantissima!
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Film à l’esthétisme exceptionnel, en noir et blanc, c’est une chance pour les rares qui ont pu le voir sur grand écran. Effectivement, il n’est visible quasiment que sur Netflix. Contemplatif par ses longs plans-séquences panoramiques, la photographie d’Alfonso Cuarón y fait ressortir tout ce que le langage ne pourrait restituer par un sens de l’image constamment travaillé. Il a d’ailleurs obtenu l’Oscar de la meilleure photographie en 2019. Visuellement c’est une véritable claque mais le propos n’y est aucunement en reste.
Le récit est ancré dans un quotidien banal : un couple, quatre enfants, une belle-mère, un chien et des domestiques. Des signes de réussite visibles : présence de jouets, de livres…
Autour de ça est dépeint un Mexique secoué politiquement par de grosses grèves et manifestations étudiantes contre lesquelles les forces de l’ordre répondent avec une grande violence. La société est divisée par classes sociales, plus marquées que jamais, où la naissance détermine la vie et la condition dans laquelle on évolue. Elle est également montrée – à juste titre - machiste et patriarcale, les hommes fuient leurs responsabilités tandis que les femmes assurent les tâches quotidiennes.
Le récit évolue en parallèle de Cléo, une des domestiques de la famille. Elle rencontre Fermin avec qui elle couche et tombe enceinte.
Elle lui annonce sa grossesse au cinéma devant La Grande Vadrouille, ce dernier part aux toilettes et ne revient pas. Pas plus qu’Antonio, le père de la famille pour qui elle travaille, ne reviendra de sa conférence au Canada. On le recroisera simplement une fois avec une jeune femme.
Sofia, la mère, et Cléo, vont s’entraider.
Mais si les conflits et les injustices sont présents, l’amour n’est pas laissé de côté. L’amour initié par l’insouciance de l’enfance des enfants pour Cléo, qui lui n’a pas de regard sur la couleur et le statut. C’est un amour pur et sincère qui permet de surmonter les épreuves de la vie. Celles-ci n’épargnent personne, même les plus privilégiés.
Face à l’égoïsme masculin, Sofia et Cléo s’accrochent au courage, s’aiment avec pudeur l’une et l’autre pour parvenir à surmonter l’immense colère qu’elles ressentent afin d’avancer.
La violence de la société mexicaine de l’époque est évoquée plusieurs fois et atteint son sommet lorsque Cléo, partie acheter un berceau pour l’enfant qu’elle attend, se retrouve dans une violente manifestation.
On voit des individus entrer dans le magasin et tirer, celui qui tient le pistolet n’étant personne d’autre que Fermin.
Le choc est tel que Cléo perd les eaux au milieu de cette brutalité. Transférée d’urgence à l’hôpital puis au bloc opératoire lorsque les médecins n’entendent pas battre le cœur du bébé, elle accouche d’un enfant mort-né.
Ici il est introduit la difficulté de vivre. On voit Cléo tenir dans ses bras son enfant mort qu’elle a du mal lâcher, face à un personnel médical froid et peu empathique. S’ensuit de longs plans sans trace de vie humaine, jusqu’à Cléo seule, assise sur une chaise. La vie semble se réduire à une fatalité.
Cela se poursuit dans une scène, particulièrement saisissante, tournée en un plan séquence. Cléo qui ne sait pas nager, court dans la mer déchainée afin de sauver les enfants de sa patronne de la noyade.
Elle avoue ne pas avoir voulue de l’enfant qu’elle attendait,
la lutte intérieure de cette femme plongée dans un mutisme constant est troublante de sincérité.
Parfois tendre, parfois intense, Roma représente la vie, vaniteuse, le temps qui passe. Le film est façonné de façon à nous submerger et c’est réussi. Il est récompensé entre autres par le Lion d’or à la Mostra de Venise. Plongés au cœur de ce microcosme, on ressent les mouvements, les sons, la vie qui l’anime. Etonnement, il n'y a pas de musique et nous n’en avons pas besoin tant le montage son est bien fait et immersif. Le partage d’Alfonso Cuarón qui a communiqué cette bribe de vie avec la générosité d’un conteur sans jamais être pompeux ou poseur est touchant. Virtuose du cinéma, le sensoriel est d’une grâce sans pareil dans ce film. Il aurait peut-être gagné à être un peu plus concis pour être plus dense.
Créée
le 29 mars 2022
Critique lue 13 fois
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