Voici un Claude Lelouch pur jus, un film de midinette dans ses meilleurs aspects comme dans ses pires travers. Le cinéaste y régurgite jusqu'à épuisement ses grands et vastes thèmes de prédilection : rencontres fortuites, destins croisés sur fond d'intrigue amoureuse, signes et superstitions en tous genres... Rien de nouveau sous le soleil dans cet agaçant Roman de Gare, imbroglio narratif tour à tour plaisant à suivre, inventif et d'une poésie empruntée jusqu'au ridicule.
Pour les deux ou trois points tenant de la jolie réussite, citons : un Dominique Pinon tout à fait crédible dans ce rôle de nègre à l'identité trouble, rappelant avec amusement son emploi de grincheux adepte du dictaphone du Fabuleux Destin d'Amélie Poulain ; une manière de filmer les terres bourguignonnes plutôt élégante, accouplée à de véritables audaces de mise en scène ; la présence musicale de Gilbert Bécaud au gré du métrage, conférant un beau cachet à cette intrigue amoureuse pour le moins fleur bleue...
Sinon Fanny Ardant est comme toujours difficilement supportable tant elle semble artificieuse et anti-naturelle ( ajoutons que son rôle d'usurpatrice sous les feux des projecteurs n'arrange rien à l'affaire...), les personnages de Michèle Bernier, de Myriam Boyer et surtout de Zinedine Soualem n'ont pratiquement aucun intérêt scénaristique, Audrey Dana en fait beaucoup trop dans son rôle de muse-coiffeuse façon "pute au grand coeur" et les nombreux lieux communs chers à Lelouch finissent par rendre le visionnage assez pénible voire clairement énervant.
Roman de Gare témoigne une fois encore des belles propositions de cinéma dont seul Claude Lelouch a le secret. Homme au talent souvent inégal mais porteur de vraies idées formelles et narratives le réalisateur des Uns et des Autres semble dans le même temps incapable d'éviter la redite et les effets de redondance, et ce malgré un authentique effort de singularité perceptible à (presque) chaque film. C'est bel et bien le cas dans ce déconcertant Roman de Gare, film alimentaire et révélateur des limites de son auteur...