"Romeos" est un petit film indépendant allemand, très mal distribué et traitant frontalement de la transsexualité. Soit Lukas (anciennement Miriam), un jeune FTM en pleine transition, qui débarque à Cologne où il retrouve sa meilleure amie lesbienne. Fréquentant rapidement le milieu gay local, il rencontre Fabio, un latino bisexuel au corps de rêve et qui a du mal à s'assumer.

Le canevas de départ est complexe, à fleur de peau, à l'image de ce très beau et très juste film sur le désir, la sexualité et l'identité. Le personnage de Lukas, trop rare au cinéma, est symptomatique de ce nouveau corps, hybride, changeant et indéfini qui émerge dans nos sociétés contemporaines. Corps qui a en réalité toujours plus ou moins existé, mais qui est en passe d'être accepté, rendu visible. En cela, ce film est précieux. Il distille un trouble jamais malsain ou obscène, toujours sensible et vertigineux, autour du Lukas. Traqué par des inserts sur des détails de sa pilosité naissante où de ces muscles qu'il travaille, on est plusieurs fois saisi de doute : l'acteur Rick Okon est-il lui même un FTM ? Les images, inhabituelles, de ce jeune homme torse nu arborant une poitrine de femme interrogent. Moi-même je ne savais pas si l'acteur était réellement FTM et que le film était conséquemment partiellement documentaire. Après recherche, il semblerait que non, mais la faible diffusion du film fait qu'il n'y pas d'interview sur le sujet donc je peux me tromper. Quoi qu'il en soit, l'intérêt majeur du film est ce travail anatomique et réaliste, ce regard porté sur un être humain qui s'observe lui-même en plein changement. Cette étude trouve un bel écho dans le culte du corps viril qu'entretient Fabio (magnifique Maxilian Befort), sorte de macho troublé et troublant qui a de gros problèmes d'ouverture d'esprit.

La mise en scène est étonnamment réussie pour un film de ce budget et de cette ambition plastique. Si la photo et le numérique donnent parfois une désagréable sensation de télévisuel, le talent des comédiens et la justesse du propos rattrapent le tout. Les situations sonnent très juste, et le mal-être de Lukas est très évocateur pour un public LGBT. La séquence de flirt au billard, tout en regards de défi, de séduction, et en sous-texte viril, est splendide. Celle de "l'outing" forcé est dure à soutenir par sa violence psychologique. Le spectacle de ce jeune homme qui s'enfonce dans la solitude et l'angoisse à ne pouvoir montrer pleinement ce qu'il est et ce qu'il aspire à devenir est d'un pathétique jamais larmoyant. La possibilité d'une vie sexuelle harmonieuse, longtemps incertaine, trouve dans les scènes de fin une belle résolution, conférant enfin de l'humanité au personnage impétueux de Fabio. Il est rare qu'un film LGBT finisse ainsi, sur une note réellement positive et un sentiment de liberté durement conquise. Cela fait du bien parfois.
Krokodebil
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le 30 sept. 2013

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