Ce que l'on peut dire est que "Romper Stomper" a fait forte impression au moment de sa sortie. Le thème ? Nous plonger dans l'univers des skinheads néo-nazis qui vivent dans la haine, rejettent les différences liées à une couleur de peau ou une autre culture que la leur (en tant qu'italien d'origine, je ne me remettrai jamais de la remarque sur la bouffe de "sale rital" et d'ailleurs je vais même en faire un hashtag de chouineuse sur Twitter). S'attaquer à un tel sujet malheureusement tabou à notre belle époque glorifiant la politique de l'autruche nécessite beaucoup de précaution vu à quel point le truc est casse-gueule. Le point qui met en confiance, c'est la date de sortie. 1992 était une année où la bien-pensance n'avait pas commencé à gangréner chaque aspect de la société. C'était un temps où les gens savaient réfléchir sans qu'on ne leur dicte dans une litanie de phrases d'une lourdeur stratosphérique que telle chose n'est pas bien. Oui, toute personne ayant un QI supérieur à 10 sait que le racisme est une belle connerie. Donc non, je n'ai pas besoin que le cinéaste me regarde de haut comme si j'avais deux neurones et demi tout en pensant que je suis incapable d'en arriver à ces conclusions sans qu'il ne surappuie bien le propos.
Parce que, partant de ce postulat d'abruti, je serais déjà depuis longtemps antisémite et communiste vu mon intérêt pour le cinéma de propagande qui est très intéressant à étudier pour voir à quel point il est facile d'endoctriner les masses. C'est bien connu, regarder "Le Juif Süss" nous amène à faire le salut nazi arrivé au générique de fin et "La Grève" de shooter le premier chef d'entreprise venu. Mais bon c'est 2022, une ère de "progrès" paraît-il. En tout cas, au niveau intellectuel, il y a de quoi se poser la question.
Voilà pourquoi les films sur le racisme me hérissent les poils à partir des années 2010 et me mettent plus en confiance quand ils sont plus vieux. Que voulez-vous, je hais les oeuvres qui me font la morale sur des raisonnements qui coulent de source. Et Dieu merci, "Romper Stomper" n'a aucune velléité de s'embarquer dans ce ridicule politiquement correct. Le cinéaste, lui ce qu'il veut, c'est une oeuvre impartiale qui n'est jamais éloigné du documentaire. On suit une bande de potes qui aiment autant les chinois que j'aime les films moralisateurs. Ce qui les fait vibrer, c'est la violence, le mépris envers les autres ethnies, s'imposer comme les chefs d'un pays qu'ils voient s'effondrer parce que Mr Chang désire ouvrir un resto chinois. Ils se voient comme les sauveurs d'une nation corrompue. Il est vrai que l'Australie est sauvée avec des ratés déscolarisés et/ou au chômage zonant tout en buvant de la bière dont le goût n'est pas sans rappeler l'urine de dobermann ayant des calculs rénaux.
Comme toute personne courageuse avec 36 guillemets de chaque côté, ils agissent en bande contre un ou deux individus isolés. L'adage "Incapable de rien si ce n'est pas en nombre" prend tout son sens et est toujours d'actualité avec la vermine (ou racailles, vous choisirez le terme le plus approprié) pullulant dans les rues à des heures où les personnes utiles à la société dorment. Dans un premier temps, on reste méfiant. Que va faire Geoffrey Wright sur la suite des événements ? Et progressivement, "Romper Stomper" oblique avec dextérité dans l'oeuvre sociale et même d'une grande humanité. Au lieu de condamner bêtement, pourquoi ne pas chercher à savoir pourquoi ils sont ainsi ? Et si la haine raciale n'était pas que l'unique conséquence de ce qu'ils sont devenus ? "Comprendre, ne pas juger" est une expression que j'aime beaucoup. Hando et ses copains sont des garçons et filles finalement perdus, désaxés de la société, et dont la seule chose qui donne un sens à leur vie sont les copains. Sans eux, ils n'ont plus rien. Plus que l'appartenance idéologique, c'est la peur de se retrouver isolé et ça c'est quelque chose à laquelle on ne pense pas tout le temps.
Par la suite, le réalisateur va, et ça c'est très culotté, jouer la carte de la perversité dans les rapports inter-groupes. Les asiatiques se lancent dans une vendetta, reproduisant exactement les actes des skinheads dans une bagarre d'une grande ampleur. "La violence engendre la violence" (même si c'est très compréhensible vu ce qu'ils subissent) et nombre de crânes rasés se font mettre en charpie. Petite zone d'ombre : est-ce qu'ils sont vraiment morts ? Parce que rien ne nous sera dit. Pire encore, la police fera usage de la violence la plus disproportionnée qui soit en flinguant sans sommation le gamin skinhead d'une balle dans la tête qui tendait un pistolet qui ne fonctionnait pas. Un sadisme moral qui dérange mais qui montre que les néo-nazis ne sont pas les seuls détenteurs de la violence. Il fallait oser et je salue la prise de risque.
Dans ce bourbier qui semble être sans espoir, Hando fera tout pour garder une coopération entre chaque membre pour sauver sa peau. Mais le doute face à toute cette violence gratuite envahira le coeur de Davey, le deuxième meneur, qui tient à trouver une nouvelle ligne de conduite avec l'amour pur. Jamais on ne tombe dans le cliché, ni dans le pathos. C'est scénarisé proprement. Comme quoi faible budget ne veut pas dire que l'entièreté du cahier de charges sera faible. Malgré ses moyens limités, Geoffrey Wright assure. Image volontairement sale avec des plans resserrés, violence crue, sexe désenchanté, bande son inquiétante et surtout un Russell Crowe phénoménal qui trouve l'un de ses plus grands rôles. Avec une fin plus sombre et moins expédiée, nul doute que l'on aurait eu un chef-d'oeuvre. En l'état, "Romper Stomper" peut se voir comme le film le plus radical sur le néo-nazisme et qui, plus est, sans jamais nous faire la morale, laissant le spectateur tirer les conclusions qui s'imposent en tablant sur son intelligence. Une humilité qui m'a conquis sans la moindre difficulté. Marquant et indispensable !