Towards the within
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le 16 avr. 2016
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Joy (Brie Larson) vit seule avec son fils Jack (Jacob Tremblay). Jusqu’ici, rien d’anormal, ne serait-ce que les limites de leur monde s’arrêtent aux murs de leur chambre, un abri en bois dans lequel ils sont retenus captifs par « Vieux Nick » (Sean Bridgers). Le seul environnement que Jack ait connu est cette chambre, que sa mère lui a présentée comme étant l’intégralité du monde. Joy tente alors le tout pour le tout pour que Jack puisse s’échapper. L’enfant est alors propulsé dans le monde extérieur afin de les sauver lui et sa mère, une aventure difficile qui ne sera que le prologue d’une nouvelle quête : l’apprentissage et le réapprentissage de la vie pour cette famille écorchée par celle-ci.
Comme vous pouvez en déduire du synopsis ci-dessus, le film est découpé en deux actes très distincts : un huis-clos dans la chambre et la (re)découverte du monde extérieur pour Joy et Jack. La transition entre ces deux actes est sans doute le point d’orgue du film : un enchaînement de scènes d’une tension incroyable où l’on voit les préparatifs et l’exécution de l’évasion de Jack. Tout est réussi dans ces scènes : la mise en scène, la photographie et le montage de celles-ci rongent les nerfs du spectateurs pendant plusieurs minutes.
L’histoire est très bien amenée pour que le spectateur comprenne progressivement le background des personnages, le film distille ainsi doucement des éléments de compréhension dans les dialogues. Les idées progressent alors dans la tête de Jack, comme dans celle du spectateur, qui est attendri devant les réflexions du jeune enfant. Tout dans le scénario est crédible : la psychologie des personnages dans la chambre, la scène de l’évasion, la (ré)adaptation au monde de Joy et Jack, les réflexions de Jack. De très bonne facture, ce scénario a été adapté du livre Room par son auteure elle-même : Emma Donoghue.
La douce musique de fond renforce l’authenticité de la relation entre Joy et Jack, grâce à des dialogues prenants et une photographie très juste. La caméra s’effaçant devant les personnages, le spectateur est transporté dans la chambre et ressent une profonde empathie pour les deux personnages. Dans la deuxième partie du film, le point de vue de Jack s’affirme encore plus : le monde des adultes est vu de manière distante et l’empathie est alors dirigée sur Jack. Dès lors, l’enfant comme le spectateur ressentiront, de loin, la détresse de Joy dans sa nouvelle vie sans pouvoir intervenir pour l’aider. On reste cependant un peu sur notre faim de ne pas voir plus de progression dans le scénario lors de ce second acte, l’éloignement du spectateur de l’histoire de Joy peut être un peu frustrant, mais le choix artistique se justifie : l’auteure veut montrer le point de vue de Jack et explorer sa psychologie de l’enfant.
Le tempo du film est lent, surtout dans la deuxième partie, mais il faut ce qu’il faut pour réussir un drame psychologique. Les 1h58 ne sont pas de trop et passent à un rythme tranquille permettant au spectateur de vraiment s’immerger dans les événements : des journées dans la chambre, une longue adaptation au monde extérieur, des scènes de vie dans une famille réunie.
Le film flirte entre deux genres : celui du thriller psychologique et celui du drame, mais c’est bien le deuxième qui domine ici. Malgré quelques scènes de tension mémorables, c’est le drame que traverse les personnages qui est mis en valeur. Et la réussite est totale, en très grande partie grâce à la performance hors norme des deux acteurs principaux. Dans la deuxième partie par exemple, le drame que traverse Joy est visible, mais implicite : on le voit à travers les yeux de Jack plutôt que par ceux de sa mère. Le spectateur est ainsi livré à lui-même en ce qui concerne la psychologie de Joy et son combat pour se réadapter à la vie. La performance de Brie Larson lui permet cependant de tout comprendre sans explication, et c’est exactement ce que l’on attend d’un bon film dramatique.
Et comment ne pas parler du jeu d’acteur du jeune Jacob Tremblay ? L’acteur de neuf ans campe à merveille le personnage de Jack : un enfant qui aime son monde miniature, qui rejette la remise en question de ses croyances tout en sachant au fond la vérité. Un enfant qui aime apprendre sur le monde. Un enfant qui, malgré les conditions et les événements de son enfance reste avant tout un enfant. Sa performance est éblouissante et tout sonne juste dans son interprétation de Jack, le vrai héros de cette histoire. On se demande pourquoi il n’a pas lui aussi été nominé pour l’Oscar du meilleur acteur, en accompagnant ainsi Brie Larson, lauréate de l’Oscar 2016 de la meilleure actrice.
Les performance des autres acteurs sont aussi à souligner : bien que leurs apparitions sont assez secondaires voire furtives, le jeu de Joan Allen (Grand-mère), de William H. Macy (Grand-père) et de Tom McCamus (Leo, nouveau compagnon de Grand-mère) mérite d’être souligné : les réactions des membres de la famille de Joy sont en effet réalistes et prenantes.
Room est un drame émouvant et prenant, porté par une mise en scène mettant largement en avant la performance époustouflante des acteurs. Portant réellement le film, Brie Larson et Jacob Tremblay font passer le spectateur par une large gamme d’émotions, aussi bien dans le huis-clos dans la chambre que dans la difficile adaptation au monde extérieur.
Créée
le 24 mars 2016
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