Room ou comment voir deux films pour le prix d’un.

[Cette critique contient des spoilers]
(Désolé si ma critique est mal faite, c'est ma première)


« Bonjour madame Lampe, Bonjour Madame Plante, Bonjour serpent d’œuf ». C’est avec ces paroles que commence le tout dernier film de Lenny Abrahamson. Après avoir réalisé « Franck », « What Richard » et « Garage », Abrahamson revient avec l’adaptation d’un roman de 2011 d’Emma Donoghue (auteure aussi du scénario du film), basé sur l’affaire Fritzl qui a secoué l’Autriche en 2008. Contrairement au fait divers, Joy (Brie Larson) ne se fait pas violer par son père mais par un homme l’ayant capturé il y a 8 ans. Elle vit dans une petite cabane de jardin avec son fils, Jack (joué par l’excellent Jacob Tremblay). Le film aborde tout d’abord l’anniversaire de Jack qui fête ses 5 ans et qui désire un gâteau d’anniversaire. Pour cela, il va cuisiner avec sa mère en cassant des œufs qui serviront pour plus tard de corps au « serpent » d’œuf. Lorsque le gâteau est cuit, Jack est déçu de ne pas avoir de bougies ni de cadeau. Sa mère lui faite comprendre que ça n’était pas sur la liste de la semaine de son kidnappeur, le Vieux Nick. Old Nick en anglais qui rappelle le personnage du diable dans « Un bon petit diable » écrit par la comtesse de Ségur. Le soir, Jack part dormir dans une sorte d’armoire pour se cacher de la venue du Vieux Nick. Arrivé, le Vieux Nick découvre que c’était le jour de l’anniversaire de son fils et fera tout pour lui offrir une voiture téléguidée plus tard dans le film. Il va juste se contenter pour le moment de violer la mère de Jack et de dormir au près d’elle. Puis, il va repartir en saisissant un code sur le côté de la porte en métal que seul lui connait. Les jours vont passer jusqu’à ce que Joy décide d’enseigner à Jack la vérité sur ce monde. Elle lui avait fait croire qu’ils vivaient dans un monde appelé « Room », la pièce de 10m² où ils se trouvent, et que les gens qu’ils voient à la télé n’existent pas. Elle décide donc de l’entrainer à faire le mort pour pouvoir s’échapper et aider sa mère à sortir. Ils vont donc faire des exercices de courses, de sauts, d’immobilité pour que la fuite fonctionne correctement. Le jour-j étant arrivé, Joy fait croire au Vieux Nick que son enfant est mort et qu’elle l’a enroulé dans le tapis. Le kidnappeur le prend sans broncher et l’envoie dans sa remorque. L’enfant arrive à s’échapper et à dire où se trouve sa mère. Une nouvelle partie du film apparaît pour voir la réaction des deux personnages dans ce « nouveau monde ».


Lorsqu’il sort « Room », Lenny Abrahamson est à son cinquième long métrage. Il avait déjà auparavant sorti un drame au nom de « What Richard Did »(2012) ainsi que trois comédies dramatiques : « Adam & Paul »(2004), « Garage » (2007) et « Franck » (2014). Ce film a obtenu l’oscar du cinéma 2016 pour la meilleure actrice (Brie Larson), ainsi que 9 autres prix dans des festivals important dont le prix du meilleur espoir pour Jacob Tremblay au National Board Of Review Awards 2016. Ce film assez récent peut faire penser à un film de 2009, au nom de « Canine » réalisé par Yorgos Lánthimos traitant de parents laissant leurs enfants vivre en captivité chez eux loin d’une ville, il avait reçu deux prix au festival de Cannes (Prix Un certain regard et Prix de la jeunesse ). Mais ce que Lánthimos n’a pas fait, Abrahamson l’a fait, c’est-à-dire aller jusqu’à l’après liberté. Comment des gens qui n’ont jamais connu ce monde comme Jack ou qui l’on connut il y a longtemps comme Joy, vont réagir face aux regards des autres ainsi qu’au changement de routine. Grâce à cela, on rentre dans une deuxième partie tout aussi longue que la première et aussi intéressante bien qu’interminable.


Ces éléments permettent de comprendre ce que peut être l’allégorie de la caverne de Platon à l’heure actuelle. En effet, dans le film, Jack ne voit que le monde au travers de la lucarne et de la télé. Il n’a que ça pour s’imaginer le vrai monde même si sa mère essaye au début du film de lui faire croire que les choses qu’il voit n’existent pas réellement. Et c’est au moment où il va quitter cette pièce que tout va changer pour ce petit garçon. Lorsqu’il se retrouve dans le coffre, sur le dos, il va voir le ciel et son immensité, il va être émerveillé par ce qu’il voit. Sans l’éclaircissement de sa mère, il n’aurait pas réagi pareil, il aurait sans doute eu peur et n’aurait rien pu faire. Mais ce n’est pas seulement dans cette partie du film que l’allégorie de la caverne fonctionne. En effet, dans la deuxième partie, lorsque Joy est libre, elle éprouve une difficulté à changer la conception des choses jusqu’au point de vouloir retourner vivre dans cette petite pièce. Elle a peur du jugement des autres, de ces vérités qui explosent sous ses yeux. Sans Jack, son guide spirituel, elle n’aurait pas survécu à cette sortie du désert. 

C’est là que ce voit le vrai esthétisme du film, c’est-à-dire, la relation entre la mère et son fils. Le fils est naïf, il ne connait le monde réel, juste le monde de la « Room ». La mère, contrairement à son fils, fait ressentir la détention des deux personnages. L’une des scènes les plus équivoques est celle où Joy ordonne à son fils d’aller se cacher dans l’armoire car le Vieux Nick arrive. On sent le suspense et la tension venir. La musique accompagne la sensation. Mais la relation mère-fils se voit aussi dans une scène où Joy perd une dent, une scène d’espoir et de force. En effet, lorsque Joy perd sa dent, par manque de soins dentaire, elle va la laver et ensuite la donner à Jack. Elle donne sa dent à Jack pour la seul et bonne raison que c’est un symbole. Elle lui explique que cette dent, c’est une partie d’elle, ce qui veut dire qu’elle sera toujours auprès de lui-même s’il ne la voit pas. Cependant, la relation mère-fils va s’inverser lors d’une scène dans la deuxième partie du film. Joy tente de se suicider car elle n’accepte le monde réel. Elle va donc être absente pendant un temps dans le film, ce qui provoque une certaine solitude dans l’esprit de Jack. Il va donc regarder sa dent pour pouvoir avancer. Il va joueur aussi le rôle protecteur envers sa mère en lui donnant une partie de ses cheveux, symbole dans la « room » de force. La mère, recevant ce présent, va reprendre goût à la vie et va partir de l’avant. Cette relation mère-fils est un symbole à suivre car il ne faut pas penser que les rôles doivent toujours rester les mêmes. Ils peuvent s’inverser pour garder la relation sur un long terme et plus solide.


Ce dernier film de Lenny Abrahamson surprend, tout d’abord par le fait que celui-ci pourrait être divisé en deux parties : la captivité et l’après captivité. La première partie est assez riche techniquement car la caméra film au niveau de Jack et nous permet de croire à l’immensité de la pièce, ce qui n’est pas le cas dans la deuxième partie lorsqu’ils reviennent voir la pièce qui parait énormément plus petite. Cela est dû par un changement de la focale mais aussi par la modification du décor et de la lumière. La caméra au niveau de l’enfant permet aux spectateurs de se mettre à la place de Jack et de rentrer plus facilement dans le film. De plus, l’imagination qu’a la mère et son fils pour passer leur journée est très bien trouvée, comme si la routine n’existait pas dans ce monde. Mais c’est dans la deuxième partie que l’on trouve les choses les plus intéressantes. En effet, lorsque les deux personnages sont libres, on découvre les parents de Joy qui sont désormais séparés, voire même, la mère de Joy a trouvé quelqu’un d’autre. Cela montre que même s’ils étaient en captivité, le monde continuait à avancer, à changer sans eux. On sent bien que Lenny Abrahamson ne voulait pas que la famille soit « parfaite » et qu’elle soit modifiée pour qu’elle soit plus ressemblante à une famille de nos jours. Cependant, bien que le film soit un chef d’œuvre, la fin est longue. Le réalisateur utilise un bon nombre de rebondissements qui a pour effet de rallonger le film. Lenny Abrahamson nous réalise un film d’actualité, riche en émotion et en suspens.
Fafar
7
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le 4 juin 2016

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Fafar

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