Film oppressant et claustrophobe se déroulant, pour l’essentiel, dans une salle d’interrogatoire (Room 514) où Anna, israélienne d’origine russe, est chargée, à quelques jours de la fin de son service, de mener une enquête sur le comportement violent d’un officier supérieur dénoncé par un de ses hommes. Hormis trois courtes séquences dans le bus – autre lieu fermé - qui ramène Anna chez elle, on ne quitte pas la salle exigüe, sans lumière naturelle, aux murs gris et uniformes. Dans ce périmètre réduit propice à l’explosion trop longtemps contenue, se joue toute la complexité de la problématique israélienne, celle de ces jeunes soldats pris dans les rets d’une société construite sur des bases bancales, entre paranoïa et repli identitaire et communautariste, se débattant dans les contradictions (comment faire coexister les valeurs inhérentes à l’État d’Israël et les principes moraux d’honnêteté et d’intégrité).

En une dizaine de mètres carrés se concentre ainsi tout ce qui mine et finit par détruire une société. Si on déplore quelques afféteries de mise en scène (des transitions en noir et blanc par trop esthétisantes) et la place occupée par la liaison qu’entretient Anna avec Erez, un collègue sur le point de se marier, on est davantage séduits par le parti pris radical et minimaliste qui nous place au plus près des visages des protagonistes. L’exigüité des lieux les rapproche de manière trouble et équivoque, dans un jeu de la séduction et de la manipulation. Il faut saluer une fois encore la capacité du cinéma israélien à se saisir des problèmes contemporains de son pays, à en donner une vision éloignée de tout manichéisme et de toute simplification. Une lucidité remarquable qui témoigne de la contamination inéluctable à toute une génération lassée qui souhaiterait passer à autre chose. Hélas, le bout du tunnel semble encore loin, y compris pour Anna, jeune femme déterminée et campée sur ses valeurs, fracassée et sacrifiée au nom de la défense d’une nation et de la respectabilité à offrir. On quitte la salle, suffoqués en recherche d’une respiration que Room 514 aura durablement étouffée dans un huis clos passionnant.
PatrickBraganti
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le 22 nov. 2013

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