Borowczyk, en fervent orfèvre de l’objet témoin et réceptacle d’une humanité morcelée, immorale et torturée, s’épanche avec cette adaptation d’une nouvelle de Guy de Maupassant sur le cas d’une bonne, tombée enceinte suite à un viol, qui tuera les nouveau-nés et sera jugée pour ce crime.
Mais est-ce bien là un crime ? Tel est le premier questionnement que soulève le court métrage sans y répondre, par une magnifique épure n’isolant que l’accusée, virginale et immaculée sur un fond blanc la dévorant progressivement. Ainsi son jeu est brillamment mis en lumière, en contrepoint avec les pièces à conviction apparaissant en montage parallèle. Le procédé est simplissime, dépouillé, permettant ainsi de mettre à nu avec une humilité étonnante l’oppression féminine, l’idée de solitude et de confinement dans un étau matérialiste.
Il transporte dans sa matière et sa présence concrète une idée fixe, bloquée, percutante, qui semble d’abord mener la jeune femme à sa perte, entourée d’aucun juge ni représentant adverse ou allié.
Cependant les diverses pièces à conviction, opposées avec une intense cruauté aux gémissements de la jeune femme, voient leur suggestion de culpabilité lentement déconstruite par la recomposition de leurs « dégâts » en marche arrière.
Borowczyk accorde donc, avec une tendresse infinie, le pouvoir aux choses de rester ce qu’elles sont, c’est-à-dire matière sans signification, et il redonne à Rosalie l’innocence, la compréhension d’une condition féminine d’oppression, et de la Misère de l’Homme. Que sommes-nous avant tout sinon de la chair nécessiteuse, mue par des besoins essentiels qui dépassent toute morale ?
Comme propulsés dans la contraction émotive du jeu exprimable par l’acteur au cinéma, dévorant la réalité alentour, on ressort de Rosalie comme d’un bain où l’on laisserait nos peaux mortes et nos tortures ridiculement humaine dans l’eau chaude.