Les Woodhouse joli couple moderne et amoureux, trouvent l'appartement de leur rêves dans un immeuble en plein Manhattan: La célèbre maison Bramford.
Nos deux tourtereaux ravis de trouver ce sublime appart au centre de la big Apple et sans l'aide de l' autre courgette de Stéphane Plaza se lovent dedans sans faire cas des histoires à dormir debout qui courent sur cet immeuble. Tout va bien pour les Woodhouse.
L'appartement est spacieux et Rosemary passe ses journées à le rénover en attendant que son comédien de mari rentre de ses auditions.
Une aisance matérielle naissante, un confort rassurant, le bonheur ouaté du cocon familial en construction.
C'est le temps des projets, c'est l'autoroute vers un futur radieux. Un bébé. Un bébé pour souder définitivement ce couple modèle, pour concrétiser leur nouvelle vie.
Mais un drame vient bousculer cette petite vie bien rangée. Une jeune femme se défenestre; une jeune femme un peu perdue qu'avait accueillie généreusement un gentil couple de retraités: Les Castevet.
C'est à cette triste occasion que les Woodhouse feront leur connaissance.
Les Castevet sont un couple de seniors actifs et quelque peu encombrants, qui vont petit à petit prendre place dans la vie du jeune couple.
Une présence de plus en plus incommodante pour la jeune Rosemary, mal à l'aise avec une Minnie Castevet curieuse et inquisitrice.
Une nuit, après un repas arrosé en compagnie des Castevet, Rosemary est la proie d' hallucinations inquiétantes.
Des visions troublées d'orgies baroques, une faune masquée, âgée, malsaine.
Une meute agglutinée autour de ce jeune corps frêle, psalmodiant une langue étrange. Ce corps nu offert aux assauts violents d'une bête aux cornes de boucs et aux pieds fourchus.
Un sabbat médiéval dans un luxueux appartement New-Yorkais, un viol méphistophélique entre rêve et réalité.
Un cauchemar comme un coup de fourche du diable entre les omoplates.
Le réveil est titubant, Rosemary encore groggy apprend que son mari, ivre aussi, a profité d'elle lorsqu'elle était inconsciente.
Mais tout ceci, cet étrange cauchemar, ce mauvais rêve est vite oublié lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte.
Enceinte Rosemary, enfin.
C'est cette drôle de mélopée ésotérique qui vous accueille (https://www.youtube.com/watch?v=Ycy9I1t1CvQ), qui vous cueille sur la branche et vous fait flotter, léger et anxieux, dans le ciel New-Yorkais pour vous mener au pied de cet immeuble énigmatique.
Ce batîment froid et magnifique que Polanski filme comme un personnage à part entière avec ses couloirs monotones, interminables, ces sous-sols inquiétants, ses recoins et ses portes closes qui ne mènent nulle part.
Un immeuble comme la psyché fragile de Rosemary. L'allégorie urbanistique d'une santé mentale chancelante.
Un édifice cannibale qui se veut de plus en plus tentaculaire, de plus en plus menaçant quand Rosemary se fait plus faible, plus esseulée.
Une ambiance claustrophobique entre les murs repeints du nid douillet des Woodhouse, comme l'apnée fiévreuse, fatale d'un psychisme fatigué.
Prisonnière dans le ventre de la bête.
Polanski en grand sorcier, égrène lentement ses ingrédients, soupèse méticuleusement ses indices. La recette de l'épouvante est fragile, délicate, elle n'obéit qu'aux doigts experts du sorcier.
Le sorcier invoque dans de complexes formules magiques les esprits de la peur et de la folie; il manipule notre regard, ouvre nos sens en grand pour mieux les brouiller.
Les éléments sont en place, les ingrédients sont là, posés délicatement dans ce chaudron diabolique qu'est la maison Bramford.
Ce sont ces potions blanchâtres que donne Minnie Castevet à Rosemary pour la santé du futur bébé que nous donne à boire le sorcier Polanski.
Un philtre a effet lent, imperceptible mais aux causes profondes, voraces.
Roman Polanski décortique la peur.
Un processus de création. Ce ventre qui s'arrondit, cet enfant qui se créer jour après jour comme cette peur qui s'esquisse pas à pas, implacable.
La peur comme l'enfant à naître, comme une nature au fond de chacun de nous, comme Rosemary qui porte son enfant, comme l'accouchement final au bout du chemin. Inexorable.
C'est une mise au monde en douceur, avec délicatesse, d'un morceau d'épouvante.
Cette épouvante fine et fragile, cette épouvante qui n'a rien à voir avec sa sœur bossue: L'horreur.
Un physique gracieux, un sourire plus calme et serein, une apparente normalité, mais en regardant mieux, en scrutant de plus près, on y décèle autre chose...
En s'approchant doucement au dessus du berceau, en poussant ces dentelles noires qui ornent ce lit diabolique, en examinant l'intérieur attentivement, il y a bien autre chose dedans...
Quelque chose d'abominable et de définitif au fond de ces yeux jaunes.