Rosemary's Baby, réalisé par Roman Polanski en 1968, est une œuvre emblématique du cinéma d'horreur, un film qui transcende son genre pour devenir une étude profonde et terrifiante sur la paranoïa, le contrôle, et la vulnérabilité. Avec une direction magistrale, un scénario habilement construit, et des performances inoubliables, ce film se place parmi les plus grands chefs-d'œuvre du cinéma.
L'histoire, basée sur le roman d'Ira Levin, suit Rosemary Woodhouse, incarnée de manière saisissante par Mia Farrow, une jeune femme nouvellement mariée qui s'installe avec son mari dans un vieil immeuble new-yorkais. L'atmosphère du film est tendue dès le début, Polanski distillant habilement une sensation croissante d'inquiétude et de malaise. La grossesse de Rosemary devient rapidement le centre d'une intrigue sinistre, où le doute, la suspicion, et une terreur rampante envahissent son quotidien.
Ce qui rend Rosemary's Baby si effrayant, c'est l'habileté avec laquelle Polanski joue avec les peurs psychologiques. Le film est moins axé sur les frayeurs traditionnelles que sur une tension psychologique omniprésente. Le spectateur est plongé dans l'esprit de Rosemary, partageant son sentiment de paranoïa et son isolement croissant. Les événements inexplicables qui l'entourent, l'attitude de plus en plus suspecte de ses voisins, et la passivité inquiétante de son mari renforcent ce sentiment d'angoisse.
Mia Farrow livre ici l'une des performances les plus marquantes de sa carrière. Son portrait de Rosemary, passant de l'innocence et de la confiance à la terreur et au désespoir, est à la fois déchirant et terrifiant. Elle incarne parfaitement le rôle d'une femme piégée dans un monde où elle ne peut plus faire confiance à personne, pas même à elle-même.
La réalisation de Polanski est tout aussi remarquable. Son utilisation de cadrages serrés, de mouvements de caméra subtils, et de jeux de lumière crée une atmosphère oppressante et claustrophobe qui maintient le spectateur dans un état de tension constante. La bande-son minimaliste, composée par Krzysztof Komeda, ajoute une dimension supplémentaire d'angoisse, avec des mélodies qui semblent s'insinuer directement dans l'esprit du spectateur.
Le film aborde également des thèmes plus larges, tels que la manipulation, la perte de contrôle sur son propre corps, et la fragilité de la réalité perçue. Le sous-texte satanique du film, bien que central à l'intrigue, n'est jamais utilisé de manière excessive; il sert plutôt à souligner l'impuissance de Rosemary face aux forces qui l'entourent.
Rosemary's Baby est un film qui ne vieillit pas, continuant d'influencer le genre de l'horreur psychologique des décennies après sa sortie. C'est une œuvre qui laisse une empreinte indélébile, un film qui hante l'esprit bien après le générique de fin. En somme, une véritable prouesse cinématographique qui mérite amplement sa réputation de chef-d'œuvre.