Il s'agit du film documentaire dont Arnaud Desplechin s'est inspiré pour Roubaix, une lumière. Enfin, c'est plus qu'inspiré, parce qu'il en a acheté les droits et en a livré un vrai remake. Cette opération est inédite dans le cinéma je pense. A part chez Eustache qui l'a fait dans un seul film, Une Sale Histoire, mais il est l'auteur des deux parties. C'est à dire faire un remake d'un documentaire, et surtout pour en faire une fiction. Je me souviens qu'à l'époque de la sortie du Desplechin on pouvait lire certains le traitant de feignant, voire de voleur, mais au contraire. Déjà son opération est on ne peut plus légale, il a acheté les droits de remake, comme s'il le faisait d'un film de fiction, et qui plus est, cette idée est vraiment nouvelle et ambitieuse. Et réussie aussi. Elle parait d'ailleurs encore plus réussie lorsqu'on voit le film de Boucault, et qu'on voit le travail d'adaptation réalisé par Desplechin, et le travail des acteurs pour coller au mieux aux tristes personnages de cette affaire réelle. Sinon pour parler du film de Boucault en tant que tel, c'est un magnifique documentaire criant de vérité qui suit la brigade de police du Commissariat de Roubaix dans diverses enquêtes sordides, avant de se concentrer sur l'une d'elles qui prend le centre du récit, le meurtre d'une mémé dans un quartier très pauvre, assassinée par deux jeunes femmes, voisines, qui la connaissaient très bien et avec qui elles s'entendaient bien, meurtre motivé par le simple vol d'une bouteille de javel et de deux ou trois autres détergents. C'est dire la profondeur de la misère humaine. Ces deux jeunes femmes sont paumées, et elles sont là parce que le système les a mises là, mais on les imagine très bien ailleurs, ayant réussi leur vie, ou trouvé un emploi. L'une d'elles est d'une grande beauté d'ailleurs, et l'on comprend le choix de Desplechin de confier le rôle à Léa Seydoux. Ce film sonde les profondeurs de l'âme humaine avec une acuité bouleversante. Ces deux jeunes femmes ont en donc tué une autre, qu'elles appréciaient qui plus est, pour le simple vol d'une bouteille d'eau de javel. C'est triste à pleurer, il n'y a rien à dire d'autre. Mais le plus triste dans tout cela, c'est qu'elles avouent très rapidement leur crime, et que la caméra les suit, avec l'inspecteur de police, sur le lieu du crime pour sa reconstitution. Et à ce moment, ces deux jeunes femmes, semblent vivre, exister comme jamais, tout simplement parce qu'on les écoute, on les regarde, on leur prête de l'attention. Evidemment il y a la caméra, mais ce n'est pas la caméra qui fait ça, elle est discrète presque absente. Non, c'est un simple regard, une simple présente. On les considère enfin comme des êtres humains.