Red is dead

Le film dossier, en France, c'est pas la joie. A part peut être une oeuvre en forme de thriller comme Le Nouveau Protocole ? Car de l'autre côté de l'Atlantique, pas besoin de faire d'efforts de mémoire, puisque viennent tout de suite des titres comme Dark Water, Promised Land, Erin Brockovich, Seule Contre Tous ou encore Révélations.

Rouge s'inscrit dans ce courant en l'illustrant par le scandale des boues rouges polluantes de Gardanne, tandis que la chose qui étonne immédiatement, c'est la durée réduite du film, moins d'une heure trente. De quoi craindre un survol scénaristique, l'agitation d'archétypes et le manichéisme en forme de raccourcis nécessaires.

Sauf que Rouge réussit à s'inscrire à l'opposé de ses appréhensions et arrive à conjuguer l'ensemble des thématiques au carrefour de cette usine concentrant écologie, intérêts économiques, politiques, santé publique et sauvegarde de l'emploi. Quelques minutes suffisent afin de caler tout cela, dans le sillage d'une jeune fille fraîchement embauchée qui, dans un premier temps, fait face à un mur de condescendance et des secrets cachés sous le tapis.

Si la quête de Nour compile toutes les difficultés liées au lancement de son alerte sanitaire, le prisme du scandale laisse peu à peu la place à une histoire prenante racontée entre un père et sa fille pris dans une tourmente qui les dépasse. Face à l'abnégation de Zita Hanrot, c'est Samy Bouajila qui vole l'image à chacune de ses apparitions par ses silences obstinés et son émotion rentrée. Rouge met à l'épreuve de l'écran la loyauté familiale entre ces deux-là, qui se transforme peu à peu en tragédie grecque, à mesure que Nour comprend la nécessité d'agir.

Farid Bentoumi en profite pour livrer un portrait de femme forte, s'émancipant de la tutelle paternelle, qui découvre peu à peu l'ampleur des mensonges d'un site qu'elle connaît par coeur et a fait vivre sa famille entière. Qui découvre aussi une facette inconnue et contradictoire de son papa, chargée d'ombres, de volonté de protection de ses collègues et de désir de protéger son emploi. Il y a peut être un peu des frères Dardenne que l'on retrouve du reste à la production, dans ces thèmes et dans l'approche de l'oeuvre.

Tout comme il peut y avoir, aussi, à travers le titre du film, comme un deuil de la perte des illusions communistes et syndicalistes dans les concessions et les compromissions consenties. La couleur d'un engagement qui l'a finalement perdue.

Au contraire d'un film qui ne manque ni de panache, ni de coeur.

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